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Satan arrivé aux portes de l’enfer, que le Péché et la Mort lui ont ouvertes, se prépare à aller à la découverte de la création.

. . . . . . . . .Like a furnace mouth[1].

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

. . . . . . . . . . . . The sudden view

Of all this world at once.

Les portes de l’enfer s’ouvrent… vomissant, comme la bouche d’une fournaise, des flocons de fumée et des flammes rouges. Soudain, aux regards de Satan se dévoilent les secrets de l’antique abîme ; océan sombre et sans bornes, où les temps, les dimensions et les lieux viennent se perdre, où l’ancienne Nuit et le Chaos, aïeux de la Nature, maintiennent une éternelle anarchie au milieu d’une éternelle guerre, et règnent par la confusion. Satan, arrêté sur le seuil de l’enfer, regarde dans le vaste gouffre, berceau et peut-être tombeau de la Nature ; il pèse en lui-même les dangers du voyage. Bientôt, déployant ses ailes, et repoussant du pied le seuil fatal, il s’élève dans des tourbillons de fumée. Porté sur ce siège nébuleux, longtemps il monte avec audace ; mais la vapeur, graduellement dissipée, l’abandonne au milieu du vide. Surpris, il redouble en vain le mouvement de ses ailes, et comme un poids mort, il tombe.

" L’instant où je chante verrait encore sa chute si l’explosion d’un nuage tumultueux rempli de soufre et de flamme ne l’eut élancé à des hauteurs égales aux profondeurs où il était descendu. Jeté sur des terres molles et tremblantes, à travers les éléments épais ou subtils,… il marche, il vole, il nage, il rampe. A l’aide de ses bras, de ses pieds, de ses ailes, il franchit les syrtes, les détroits, les montagnes. Enfin une universelle rumeur, des voix et des sons confus viennent avec violence assaillir son oreille. Il tourne aussitôt son vol de ce côté, résolu d’aborder l’Esprit inconnu de l’abîme, qui réside dans ce bruit, et d’apprendre de lui le chemin de la lumière.

" Bientôt il aperçoit le trône du Chaos, dont le sombre pavillon s’étend au loin sur le gouffre immense. La Nuit, revêtue d’une robe noire, est assise à ses côtés : fille aînée des Etres, elle est l’épouse du Chaos. Le Hasard, le Tumulte, la Confusion, la Discorde aux mille bouches, sont les ministres de ces divinités ténébreuses. Satan paraît devant eux sans crainte.

" Esprits de l’abîme, leur dit-il, Chaos, et vous, antique Nuit, je ne viens point pour épier les secrets de vos royaumes… Apprenez-moi le chemin de la lumière, etc. "

" Le vieux Chaos répond en mugissant : " Je te connais, ô étranger !… Un monde nouveau pend au-dessus de mon empire, du côté où tes légions tombèrent. Vole, et hâte-toi d’accomplir tes desseins. Ravages, dépouilles, ruines, vous êtes les espérances du Chaos ! "

" Il dit ; Satan plein de joie… s’élève avec une nouvelle vigueur ; il perce

  1. Par. lost, book II, v. 888-1050 ; book III, v. 501-544. Des vers passés çà et là. (N.d.A.)