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Nous tairons à présent, parce que nous en parlerons dans la suite, ces bienfaiteurs de l’humanité qui fondèrent les hôpitaux et se vouèrent à la pauvreté, à la peste, à l’esclavage, pour secourir des hommes, nous nous renfermerons dans les seules Ecritures, de peur de nous égarer dans un sujet si vaste et si intéressant. Josué, Elie, Isaïe, Jérémie, Daniel, tous ces prophètes enfin qui vivent d’une éternelle vie ne pourraient-ils pas faire entendre dans un poème leurs sublimes lamentations ? L’urne de Jérusalem ne se peut-elle encore remplir de leurs larmes ? N’y a-t-il plus de saules de Babylone pour y suspendre les harpes détendues ? Pour nous, qui à la vérité ne sommes pas poète, il nous semble que ces enfants de la vision feraient d’assez beaux groupes sur les nuées : nous les peindrions avec une tête flamboyante, une barbe argentée descendrait sur leur poitrine immortelle, et l’esprit divin éclaterait dans leurs regards.

Mais quel essaim de vénérables ombres, à la voix d’une muse chrétienne, se réveille dans la caverne de Membré ? Abraham, Isaac, Jacob, Rebecca, et vous tous, enfants de l’Orient, rois, patriarches, aïeux de Jésus-Christ, chantez l’antique alliance de Dieu et des hommes ! Redites-nous cette histoire chère au ciel, l’histoire de Joseph et de ses frères. Le chœur des saints rois, David à leur tête ; l’armée des confesseurs et martyrs vêtus de robes éclatantes nous offriraient aussi leur merveilleux. Ces derniers présentent au pinceau le genre tragique dans sa plus grande élévation ; après la peinture de leurs tourments, nous dirions ce que Dieu fit pour ces victimes, et le don des miracles dont il honora leurs tombeaux.

Nous placerions auprès de ces illustres chœurs les chœurs des vierges célestes, les Geneviève de Brabant, les Pulchérie, les Rosalie, les Cécile, les Lucile, les Isabelle, les Eulalie. Le merveilleux du christianisme est plein de concordance ou de contrastes gracieux. On sait comment Neptune,

. . . . . . . . S’élevant sur la mer,

D’un mot calme les flots. . . . . .

Nos dogmes fournissent un autre genre de poésie. Un vaisseau est prêt à périr : l’aumônier, par des paroles qui délient les âmes, remet à chacun la peine de ses fautes ; il adresse au ciel la prière qui, dans un tourbillon, envoie l’esprit du naufragé au Dieu des orages. Déjà ! l’Océan se creuse pour engloutir les matelots ; déjà les vagues élevant leur triste voix entre les rochers, semblent commencer les chants funèbres ; tout à coup un trait de lumière perce la tempête : l’Etoile des