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Mon âme, bénis le Seigneur ; Seigneur, mon Dieu, que vous êtes grand dans vos œuvres ! (…)

Vous répandez les ténèbres, et la nuit est sur la terre : c’est alors que les bêtes des forêts marchent dans l’ombre, que les rugissements des lionceaux appellent la proie et demandent à Dieu la nourriture promise aux animaux.

Mais le soleil s’est levé, et déjà les bêtes sauvages se sont retirées.(…)

L’homme alors sort pour le travail du jour, et accomplit son œuvre jusqu’au soir. (…)

Comme elle est vaste, cette mer qui étend au loin ses bras spacieux ! Des animaux sans nombre se meuvent dans son sein, les plus petits avec les plus grands, et les vaisseaux passent sur ses ondes[1].

Horace et Pindare sont restés bien loin de cette poésie. Nous avons donc eu raison de dire que c’est au christianisme que Bernardin de Saint-Pierre doit son talent pour peindre les scènes de la solitude : il le lui doit parce que nos dogmes, en détruisant les divinités mythologiques, ont rendu la vérité et la majesté au désert ; il le lui doit parce qu’il a trouvé dans le système de Moïse le véritable système de la nature.

Mais ici se présente un autre avantage du poète chrétien : si sa religion lui donne une nature solitaire, il peut avoir encore une nature habitée. Il est le maître de placer des anges à la garde des forêts, aux cataractes de l’abîme, ou de leur confier les soleils et les mondes. Ceci nous ramène aux êtres surnaturels ou au merveilleux du christianisme.


Chapitre IV - Si les divinités du paganisme ont poétiquement la supériorité sur les divinités chrétiennes

Toute chose a deux faces. Des personnes impartiales pourront nous dire : " On vous accorde que le christianisme a fourni, quant aux hommes, une partie dramatique qui manquait à la mythologie ; que de plus il a produit la véritable poésie descriptive. Voilà deux avantages que nous reconnaissons, et qui peuvent à quelques égards justifier vos principes et balancer les beautés de la fable. Mais à présent, si vous êtes de bonne foi, vous devez convenir que les divinités du paganisme,

  1. Psautier français, p. 140, in-8 o ; traduction de La Harpe. (N.d.A.)