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" L’amour veut être libre et dégagé des affections de la terre, de peur que sa lumière intérieure ne se trouve offusquée et qu’il ne se trouve ou embarrassé dans les biens, ou abattu par les maux du monde.

" Il n’y a rien, ni dans le ciel ni sur la terre, qui soit ou plus doux, ou plus fort, ou plus élevé, ou plus étendu, ou plus agréable, ou plus plein, ou meilleur que l’amour, parce que l’amour est né de Dieu, et que s’élevant au-dessus de toutes les créatures, il ne peut se reposer qu’en Dieu.

" Celui qui aime est toujours dans la joie : il court, il vole, il est libre, et rien ne le retient ; il donne tout pour tous et possède tout en tous, parce qu’il se repose dans ce bien unique et souverain qui est au-dessus de tout et d’où découlent et procèdent tous les biens.

" Il ne s’arrête jamais aux dons qu’on lui fait, mais il s’élève de tout son cœur vers celui qui les lui donne.

" Il n’y a que celui qui aime qui puisse comprendre les cris de l’amour, et ces paroles de feu qu’une âme vivement touchée de Dieu lui adresse lorsqu’elle lui dit : Vous êtes mon Dieu, vous êtes mon amour, vous êtes tout à moi et je suis toute à vous.

" Etendez mon cœur afin qu’il vous aime davantage, et que j’apprenne, par un goût intérieur et spirituel, combien il est doux de vous aimer, de nager et de se perdre, pour ainsi dire, dans cet océan de votre amour.

" Celui qui aime généreusement, ajoute l’auteur de l’Imitation, demeure ferme dans les tentations et ne se laisse point surprendre aux persuasions artificieuses de son ennemi. "

Et c’est cette passion chrétienne, c’est cette querelle immense entre les amours de la terre et les amours du ciel, que Corneille a peint dans cette scène de Polyeucte[1] (car ce grand homme, moins délicat que les esprits du jour, n’a pas trouvé le christianisme au-dessous de son génie) :

Polyeucte.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Si mourir pour son prince est un illustre sort,

Quand on meurt pour son Dieu, quelle sera la mort !

Pauline.

Quel Dieu ?

Polyeucte.

Tout beau, Pauline, il entend vo

  1. Acte IV, scène III.(N.d.A.)