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et ces paroles se répandent dans les airs : Ferunt responsa per auras :

O tandem magnis pelagi defuncte periclis !

" Ils ne sont plus, les périls de la mer : mais quel danger sur la terre ! etc. "

Remarquez la rapidité de ces mouvements : Deus, ecce deus ! La Sibylle touche, saisit l’Esprit, elle en est surprise : Le dieu ! voilà le dieu ! c’est son cri. Ces expressions : Non vultus, non color unus, peignent excellemment le trouble de la prophétesse. Les tours négatifs sont particuliers à Virgile, et l’on peut remarquer en général qu’ils sont fort multipliés chez les écrivains d’un génie mélancolique. Ne serait-ce point que les âmes tendres et tristes sont naturellement portées à se plaindre, à désirer, à douter, à exprimer avec une sorte de timidité, et que la plainte, le désir, le doute et la timidité, sont des privations de quelque chose ? L’homme que l’adversité a rendu sensible aux peines d’autrui ne dit pas avec assurance : Je connais les maux, mais il dit, comme Didon : Non ignara mali. Enfin, les images favorites des poètes enclins à la rêverie sont presque toutes empruntées d’objets négatifs, tels que le silence des nuits, l’ombre des bois, la solitude des montagnes, la paix des tombeaux, qui ne sont que l’absence du bruit, de la lumière, des hommes et des inquiétudes de la vie [NOTE 47].

Quelle que soit la beauté des vers de Virgile, la poésie chrétienne nous offre encore quelque chose de supérieur. Le grand prêtre des