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fils éternel de Dieu, on soutient même qu’il a connu le Saint-Esprit, et qu’ainsi il a eu quelque idée de la très-sainte Trinité, car il écrit au jeune Denys :

« Il faut que je déclare à Archèdèmus ce qui est beaucoup plus précieux et plus divin, et que vous avez grande envie de savoir, puisque vous me l’avez envoyé exprès : car, selon ce qu’il m’a dit, vous ne croyez pas que je vous aie suffisamment expliqué ce que je pense sur la nature du premier principe : il faut vous l’écrire par énigmes, afin que, si ma lettre est interceptée sur terre ou sur mer, celui qui la lira n’y puisse rien comprendre. Toutes choses sont autour de leur roi ; elles sont à cause de lui, et il est seul la cause des bonnes choses, second pour les secondes, et troisième pour les troisièmes[1]. »

« Dans l’Épinomis et ailleurs, il établit pour principe le premier bien, le Verbe ou l’entendement, et l’âme. Le premier bien, c’est Dieu ;… le Verbe, ou l’entendement, c’est le fils de ce premier bien, qui l’a engendré semblable à lui ; et l’âme, qui est le terme entre le Père et le Fils, c’est le Saint-Esprit[2]. »

Platon avait emprunté cette doctrine de la Trinité de Timée de Locres, qui la tenait lui-même de l’École italique. Marsile Ficin, dans une de ses remarques sur Platon, montre, d’après Jamblique, Porphyre, Platon et Maxime de Tyr, que les pythagoriciens connaissoient aussi l’excellence du Ternaire ; Pythagore l’a même indiqué dans ce symbole :

Προτίμα τὸ σχῆμα, καὶ βῆμα, καὶ Τριώϐολον.
Honorato in primis habitum, tribunal et Triobolum.


Aux Indes la Trinité est connue.

« Ce que j’ai vu de plus marqué et de plus étonnant dans ce genre, dit le père Calmette, c’est un texte tiré de Lamaastambam, l’un de leurs livres… Il commence ainsi : Le Seigneur, le bien, le grand Dieu ; dans sa bouche est la parole. (Le terme dont ils se servent la personnifie.) Il parle ensuite du Saint-Esprit en ces termes : Ventu, seu Spiritus perfectus, et finit par la création, en l’attribuant à un seul Dieu[3]. »

Au Tibet.

« Voici ce que j’appris de la religion du Tibet : ils appellent Dieu Konciosa, et ils semblent avoir quelque idée de l’adorable Trinité : car tantôt ils le nomment Koncikocick, Dieu-un, et tantôt Koncioksum,

  1. Voyez le Platon de Serranus, t. III, lettre II, p. 312.
  2. Œuvres de Platon, traduites par Dacier, t. I, p. 194.
  3. Lettres édifiantes, t. XIV, p. 9.