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moins que la religion chrétienne n’est pas la religion des petits esprits, puisqu’on avoue que ses dogmes sont ceux des sages ?

En effet, les gentils reprochaient aux premiers fidèles de n’être qu’une secte de philosophes ; mais, fût-il certain, ce qui n’est pas prouvé, que l’antiquité eut touchant un état futur les mêmes notions que le christianisme, autre est toutefois une vérité renfermée dans un petit cercle de disciples choisis, autre une vérité qui est devenue la manne commune du peuple. Ce que les beaux génies de la Grèce ont trouvé par un dernier effort de la raison s’enseigne publiquement aux carrefours de nos cités, et le manœuvre peut acheter pour quelques deniers, dans le catéchisme de ses enfants, les secrets les plus sublimes des sectes antiques.

Nous ne dirons rien à présent du purgatoire, parce que nous le considérons ailleurs sous ses rapports moraux et poétiques. Quant au principe qui établit ce lieu d’expiation, il est fondé sur la raison même, puisqu’il y a un état de tiédeur entre le vice et la vertu, qui ne mérite ni les peines de l’enfer ni les récompenses du ciel.


Chapitre VII — Jugement dernier

Les Pères ont été de différentes opinions sur l’état immédiat de l’âme du juste après sa séparation d’avec le corps. Saint Augustin pense qu’elle va dans un séjour de paix, en attendant qu’elle se réunisse à sa chair incorruptible[1]. Saint Bernard croit qu’elle est reçue dans le ciel, où elle contemple l’humanité de Jésus-Christ, mais non sa divinité, dont elle ne jouira qu’après sa résurrection[2] ; dans quelques autres endroits de ses sermons, il assure qu’elle entre immédiatement dans la plénitude du bonheur céleste[3]:c’est le sentiment que l’Église paraît avoir adopté.

Mais comme il est juste que le corps et l’âme qui ont commis ou pratiqué ensemble ou la faute, ou la vertu, souffrent ou soient récompensés ensemble, la religion nous enseigne que celui qui nous tira de la poussière nous en rappellera une seconde fois pour comparaître à son tribunal. L’école stoïque croyait, ainsi que les chrétiens,

  1. De Trinit., lib. XV, cap. XXV. (N.d.A.)
  2. Serm. in Sanct. Omn. 1-2-3, De Considerat., lib.V, cap. IV. (N.d.A.)
  3. Serm. II de S. Malac., n o 5. Sem. de S. Vict., n o 4. (N.d.A.)