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ils joignent aux vices de l’athée l’intolérance du sectaire et l’amour-propre de l’auteur.

Ces hommes prétendent que l’athéisme ne détruit ni le bonheur ni la vertu, et qu’il n’y a point de condition où il ne soit aussi profitable d’être incrédule que d’être religieux : c’est ce qu’il convient d’examiner.

Si une chose doit être estimée en raison de son plus ou moins d’utilité, l’athéisme est bien méprisable, car il n’est bon à personne.

Parcourons la vie humaine ; commençons par les pauvres et les infortunés, puisqu’ils font la majorité sur la terre. Eh bien, innombrable famille des misérables, est-ce à vous que l’athéisme est utile ? Répondez. Quoi, pas une voix ! pas une seule voix ! J’entends un cantique d’espérance et des soupirs qui montent vers le Seigneur ! Ceux-ci croient : passons aux heureux.

Il nous semble que l’homme heureux n’a aucun intérêt à être athée. Il est si doux pour lui de songer que ses jours se prolongeront au delà de la vie ! Avec quel désespoir ne quitterait-il pas ce monde s’il croyait se séparer pour toujours du bonheur ! En vain tous les biens du siècle s’accumuleraient sur sa tête : ils ne serviraient qu’à lui rendre le néant plus affreux. Le riche peut aussi se tenir assuré que la religion augmentera ses plaisirs, en y mêlant une tendresse ineffable ; son cœur ne s’endurcira point, il ne sera point rassasié par la jouissance, inévitable écueil des longues prospérités. La religion prévient la sécheresse de l’âme ; c’est ce que voulait dire cette huile sainte avec laquelle le christianisme consacrait la royauté, la jeunesse et la mort, pour les empêcher d’être stériles.

Le guerrier s’avance au combat : sera-t-il athée, cet enfant de la gloire ? Celui qui cherche une vie sans fin consentira-t-il à finir ? Paraissez sur vos nues tonnantes, innombrables soldats, antiques légions de la patrie ! Fameuses milices de la France, et maintenant milices du ciel, paraissez ! Dites aux héros de notre âge, du haut de la Cité sainte, que le brave n’est pas tout entier au tombeau, et qu’il reste après lui quelque chose de plus qu’une vaine renommée.

Les grands capitaines de l’antiquité ont été remarquables par leur religion : Epaminondas, libérateur de sa patrie, passait pour le plus religieux des hommes ; Xénophon, ce guerrier philosophe, était le modèle de la piété ; Alexandre, éternel exemple des conquérants, se disait fils de Jupiter ; chez les Romains, les anciens consuls de la république, Cincinnatus, Fabius, Papirius Cursor, Paul Emile, Scipion, ne mettaient leur espérance que dans la divinité du Capitole ; Pompée marchait aux combats en invoquant l’assistance divine ; César voulait