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de la foi : or, comment croirait-il en Dieu, celui qui ne croit ni à la réalité de la vertu ni à la vérité des larmes ?

Nous penserions faire injure aux lecteurs en nous arrêtant à montrer comment l’immortalité de l’âme et l’existence de Dieu se prouvent par cette voix intérieure appelée conscience. " Il y a dans l’homme, dit Cicéron[1], une puissance qui porte au bien et détourne du mal, non seulement antérieure à la naissance des peuples et des villes, mais aussi ancienne que ce Dieu par qui le ciel et la terre subsistent et sont gouvernés : car la raison est un attribut essentiel de l’intelligence divine ; et cette raison, qui est en Dieu, détermine nécessairement ce qui est vice ou vertu. "


Chapitre III - Qu’il n’y a point de morale s’il n’y a point d’autre vie. Présomption en faveur de l’âme, tirée du respect de l’homme pour les tombeaux

La morale est la base de la société ; mais si tout est matière en nous, il n’y a réellement ni vice ni vertu, et conséquemment plus de morale. Nos lois, toujours relatives et changeantes, ne peuvent servir de point d’appui à la morale, toujours absolue et inaltérable ; il faut donc qu’elle ait sa source dans un monde plus stable que celui-ci, et des garants plus sûrs que des récompenses précaires ou des châtiments passagers. Quelques philosophes ont cru que la religion avait été inventée pour la soutenir ; ils ne se sont pas aperçus qu’ils prenaient l’effet pour la cause. Ce n’est pas la religion qui découle de la morale, c’est la morale qui naît de la religion, puisqu’il est certain, comme nous venons de le dire, que la morale ne peut avoir son principe dans l’homme physique ou la simple matière ; puisqu’il est certain que quand les hommes perdent l’idée de Dieu, ils se précipitent dans tous les crimes en dépit des lois et des bourreaux.

Une religion qui a voulu s’élever sur les ruines du christianisme, et qui a cru mieux faire que l’Evangile, a déroulé dans nos églises ce précepte du Décalogue : Enfants, honorez vos pères et mères. Pourquoi les théophilanthropes ont-ils retranché la dernière partie du précepte, afin de vivre longuement ? C’est qu’une misère secrète leur a appris que l’homme qui n’a rien ne peut rien donner. Comment aurait-il promis

  1. Ad. Attic., XII, 28, trad. de d’Olivet. (N.d.A.)