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sommes vêtus et à couvert, si nous avons des villes, des murs, des habitations, des temples, c’est aux mains que nous les devons, etc.

Il faut convenir que la matière seule n’a pas plus fait le corps de l’homme pour tant de fins admirables, que ce beau discours de l’orateur romain n’a été composé par un écrivain sans éloquence et sans art[1].

Plusieurs auteurs ont prouvé, et en particulier le médecin Nieuwentyt[2], que les bornes dans lesquelles nos sens sont renfermés sont les véritables limites qui leur conviennent, et que nous serions exposés à une foule d’inconvénients et de dangers si ces sens avaient plus ou moins d’étendue [NOTE 10]. Galien, saisi d’admiration au milieu d’une analyse anatomique du corps humain, laisse échapper le scalpel et s’écrie :

Ô toi qui nous a faits ! en composant un discours si saint je crois chanter un véritable hymne à ta gloire ! Je t’honore plus en découvrant la beauté de tes ouvrages qu’en te sacrifiant des hécatombes entières de taureaux ou en faisant fumer tes temples de l’encens le plus précieux. La véritable piété consiste à me connaître moi-même, ensuite à enseigner aux autres quelle est la grandeur de ta bonté, de ton pouvoir, de ta sagesse. Ta bonté se montre dans l’égale distribution de tes présents, ayant réparti à chaque homme les organes qui lui sont nécessaires ; ta sagesse se voit dans l’excellence de tes dons, et ta puissance dans l’exécution de tes desseins[3].


CHAPITRE XIV.

Instinct de la Patrie.



De même que nous avons considéré les instincts des animaux, il nous faut dire quelque chose de ceux de l’homme physique ; mais comme il réunit en lui les sentiments des diverses races de la création, tels que la tendresse paternelle, etc., il faut en choisir un qui lui soit particulier.

Or, cet instinct affecté à l’homme, le plus beau, le plus moral des

  1. Cicéron a pris dans Aristote ce qu’il dit du service de la main. En combattant la philosophie d’Anaxagore, le Stagyrite observe, avec sa sagacité accoutumée, que l’homme n’est pas supérieur aux animaux parce qu’il a une main, mais qu’il a une main parce qu’il est supérieur aux animaux. (De Part. Anim., lib. III, cap. X.) Platon cite aussi la structure du corps humain comme une preuve de l’intelligence divine (In Tim.), et Job a quelques versets sublimes sur le même sujet. (N.d.A.)
  2. Exist. de Dieu, liv. I, ch. XIII, p. 131. (N.d.A.)
  3. Gal, de Usu part., lib. III, cap. X. (N.d.A.)