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pendant le congrès de Châtillon d’avoir la paix dans sa poche ? Une fois même on l’a crue signée ; et en effet elle étoit près de l’être. Les Bourbons n’étoient pour rien dans ces mouvements, ou du moins ils n’y étoient que pour des vœux subordonnés aux chances de la guerre, aux événements et aux combinaisons politiques. Ils n’avoient ni soldats, ni argent, ni crédit. On n’avouoit pas même leur présence sur le continent ; et à Paris c’étoit un problème de savoir si quelques-uns d’entre eux étoient ou n’étoient pas sortis d’Angleterre.

Les malheurs de la guerre ne peuvent donc être imputés à nos princes : la chose est si évidente qu’on n’a pas osé les leur reprocher. Très-certainement (et nous le sentons peut-être plus vivement qu’un autre) c’est une chose peu agréable pour un peuple de voir les étrangers dans le cœur de son pays ; mais l’événement arrivé par la faute d’un homme qui lui-même étoit étranger à la France, pourroit-on ne pas reconnoître ce que la conduite des ennemis a eu de noble et de généreux ? Ils ont donné à Paris un exemple unique dans l’histoire, et qui peut-être ne se renouvellera plus. Y avoit-il rien de plus insensé, de plus absurde, de plus déloyal, que cette dernière guerre déclarée par Buonaparte à Alexandre ? Il sera éternellement beau, éternellement grand, d’être sorti des cendres de Moscou pour venir conserver les monuments de Paris. Et l’Autriche qui avoit tant fait de sacrifices, et la Prusse si cruellement ravagée, n’avoient-elles point de vengeances à exercer ? Et pourtant les souverains alliés, admirant notre courage, oubliant leurs injures, poussant la délicatesse jusqu’à ne pas vouloir entrer dans le palais de nos rois, n’ont para attentifs qu’à notre bonheur. Refuserions-nous à l’un des premiers hommes de ce siècle, à lord Wellington, les éloges moins dus encore à ses talents qu’à son caractère ? Mais la part une fois faite, ces justes louanges une fois données à des monarques, à des hommes, à des peuples qui les méritent, nous rentrons dans tous nos droits. Ces louanges ne sont point prises sur celles qui appartiennent à nos armes. En quoi sommes-nous humiliés ? On est venu à Paris ? Eh bien ! ne sommes-nous pas entrés dans presque toutes les capitales de l’Europe ? Si on cessoit d’être juste envers notre gloire, ce seroit à nous de nous en souvenir. Les Romains disoient : L’amour de la patrie ; nous, nous disons : L’honneur de la patrie. L’honneur est tout pour nous. Malheur à qui oseroit nous frapper dans cet honneur où un François place toute sa vie !

Mais, grâce à Dieu, personne ne nous dispute ce qui nous appartient légitimement. Qui donc méconnoît l’héroïsme de notre armée ? Sont-ce ces émigrés qui ont été accusés chez l’étranger de s’enorgueillir des