Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 7.djvu/306

Cette page n’a pas encore été corrigée

les royalistes ne sont peut-être pas aussi nombreux que dans les classes qui payent moins ou plus do cent écus de contribution. Malgré ce désavantage de la loi, il est cependant prouvé, par une moyenne proportionnelle prise dans les départements appelés aux dernières élections, que les opinions se sont montrées dans les rapports suivants : doux cinquièmes de royalistes , doux cinquièmes d’indépendants, un cinquième de ministériels ; de sorte encore que si tantôt les royalistes dans la crainte des indépendants, tantôt les indépendants dans la crainte des royalistes n’eussent passé aux ministériels, ceux-ci n’auroient pas eu un seul député ; de sorte encore que si l’année procbaine les indépendants et les royalistes votent constamment dans leur ligne, sans se joindre aux ministériels, les élections seront toutes indépendantes et toutes royalistes ; de sorte encore que si les royalistes, fatigués d’une lutte aussi pénible, las d’un dévouement aussi mal apprécié, se retiroient des collèges électoraux[1], les indépendants obtiendroient un triomphe complet.

Dans cette circonstance, que fera le ministère ? Il cassera la chambre ! Le peut-il aujourd’hui, d’après son opinion même, sans danger pour lui ou pour la légitimité ?

Sans danger pour lui, si les élections sont royalistes et indépendantes.

Sans danger pour la légitimité, si les élections sont purement indépendantes, à en juger par tout ce qu’il a voulu nous faire entendre dans son attaque contre les indépendants.

Ne seroit-ce pas une chose funeste si le premier essai qu’on a fait de la loi des élections mettoit sous le présent ministère un obstacle moral à l’exercice de la prérogative la plus importante de la couronne ?

Que quelques hommes se fussent trompés dans leurs intérêts particuliers, il faudroit bien s’en consoler ; cela prouveroit seulement qu’ils ont eu tort de blesser les deux classes les plus nombreuses de la France, en croyant qu’elles n’étoient rien et qu’ils étoient tout. Mais s’ils s’étoient mépris sur les intérêts de la monarchie, il faudroit déplorer cette erreur. 11 est bien à craindre qu’une loi des élections où l’influence légale de la grande propriété et le patronage de ? grands dignitaires ne balancent pas assez l’action populaire ne sème de nouveau dans nos institutions les germes du républicanisme. Le projet de loi de recrutement vient encore augmenter les craintes des amis de la monarchie.

Ce projet viole ouvertement plusieurs articles de la charte : sans

  1. Dès cette année un grand nombre d’électeurs roj’alistes ne se sont point rendua aux élections : ils ont eu tort.