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de voix, vous chanterez victoire ! Vous êtes contents de la loi des élections, je vous en félicite ; mais je ne vous félicite pas d’avoir appris à la France et à l’Europe, par des journaux soumis à votre censure, qu’il y a tel département où près de la moitié des électeurs présents ont donné leur voix à des hommes qui, selon l’expression de ces mêmes journaux, ont voté à la tribune l’éternel exil de la dynastie des Bourbons.

La question touchant la loi des élections n’est donc pas, pour le ministère, de savoir si on évitera une fois, deux fois peut-être, par un concours fortuit de circonstances, des députés tels que ceux qu’il a proclamés dangereux d’une manière si inconstitutionnelle, pour ne pas me servir d’un mot plus dur ; il s’agit de dire si dans un temps donné ces députés n’arriveront pas, malgré l’opposition de l’autorité. Le problème peut se résoudre par une simple opération d’arithmétique : combien faut-il de réélections pour que les candidats dénoncés par les journaux soient en majorité dans la chambre ? Faites la règle de proportion et additionnez.

On reproduira sans doute le puissant raisonnement qu’on a coutume de faire : a Puisque les hommes que nous craignons sont si forts, il faut donc les caresser. Donc, au lieu de réviser la loi des élections, il faut nous jeter dans les bras de ceux que nous avons déclarés nos ennemis. »

Mais pourquoi donc alors avez-vous voulu les écarter des élections ? Vous caresserez ceux que vous venez d’outrager ? Ils vous mépriseront : l’empjre romain paya tribut aux Francs pour acheter momentanément une paix avilissante, qui fmitpar une- guerre d’extermination.

Si donc on ne veut d’abord considérer la loi des élections que dans les intérêts des hommes en place qui l’ont proposée, il est évident que ces hommes ont méconnu leur foiblesse ; ils ont cru qu’il existoit un parti moyen avec lequel ils remporteroient la victoire. Dans cette persuasion, ils ont méprisé et les royalistes qu’ils avoient repoussés des élections de 1815, et les indépendants[1] qu’ils vouloient exclure des élections de 1816. Cependant, quand on administre, on ne devrait pas ignorer les faits : or, les faits, les voici :

La loi des élections désigne en général une classe d’électeurs où

  1. C’est surtout dans un écrit de ce genre qu’il faut être clair et se faire entendre do tout le monde. On a donc été forcé d’employer les noms sous lesquels les diftercntcs opinions sont classées aujourd"liui. Ce n’est pas toutefois sans un profor-d regret : les royalistes savent trop combien de souvenirs douloureux s’attachent h ces désignations, qui commencent par n’exprimer que dos opinions et finissent par marquer des victimes.