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rend suspect à tous ; et au milieu des haines qu’on a ranimées, n’effaçant point les maux du passé, ne préparant point le bonheur de l’avenir, on reste environné d’une multitude d’ennemis qui, fatigués par leurs souffrances, vous déclarent ou peu sincères ou incapables de conduire les affaires humaines.

Voilà, considéré dans son esprit général, ce système politique offert à notre admiration et à celle de la postérité. Voyons maintenant quelles lois oh a proposées et si on a mieux compris sous ce rapport les intérêts de la monarchie légitime et les principes de la Charte.

Commençons par la loi des élections.

On évitera de répéter ici ce qu’on a dit contre cette loi : jamais discussion ne fut mieux approfondie dans les deux Chambres[1].

Lorsqu’on songe que l’article principal de cette loi n’a été emporté dans la chambre des députés que par une majorité de douze voix, et dans la chambre des pairs que par une majorité de quatorze ; qu’ainsi sept voix dans la chambre des députés et huit dans la chambre des pairs passant à la minorité auroient sulli pour changer toute l’économie de la loi ; lorsqu’on songe que pour obtenir la victoire il fallut faire venir à la chambre des pairs ceux de ses membres dont les infirmités demandent habituellement le repos ; que cinq ou six pairs oppo ses à la loi n’assistèrent pas à la séance, il y a certes de quoi faire hésiter les ministres eux-mêmes dans le jugement qu’on doit porter de cette loi.

Chez nos voisins, un bill fondamental que n’auroit pas accueilli un plus grand nombre de suffrages eût été retiré par le ministère. Les ministres françois, plus éclairés sans doute, continuent à s’applaudir de la loi des élections. « L’ordonnance du 5 septembre, vient de nous dire l’un d’eux, et la loi des élections lui ont appris ( au peuple) quels étaient les véritables défenseurs, les véritables amis de la Charte et de la liberté. » {Discours de M. le ministre de la police générale.) Paroles étranges après la frayeur que l’on a montrée lors des élections et après les articles de journaux que je viens de citer !

On n’entrera point dans les raisons de la terreur éprouvée relativement à certains candidats ; terreur injurieuse pour ceux qui l’inspiroient, et qu’auroient dû cacher ceux qui l’ont ressentie. Admettons un moment, contre notre conviction intime, que ces raisons soient fondées. Quoi ! parce que des hommes dont les principes effrayoient les ministres n’auront manqué leur nomination que d’un petit nombre

  1. Si on désiroit en revoir le tableau, ou le trouvera supérieurement exposé dans l'Histoire de la session de 1816, par M. Fiévée.