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Jours ; et l’on s’attiroit la juste réponse d’un candidat qui, se croyant insulté, trouvoit étrange que le parti ministériel stigmatisât les hommes du 20 mars, quand on pouvoit en remarquer jusque dans les places les plus élevées.

On niera sans doute à présent la terreur que l’on a éprouvée, les confessions naïves qui en furent la suite : « La loi étoit défectueuse, on s’étoit trompé, on reviendra sur cette loi ! » On ne parloit que d’union et de concorde ; on conjuroit les plus obscurs royalistes de voler au secours du ministère ; on faisoit l’éloge de ces royalistes, « gens, s’écrioit-on, pleins d’honneur et de probité ». Victoire obtenue, frayeur oubliée : la veille on avoit embrassé les royalistes ; on leur tourna le dos le lendemain, (c On se sert des traîtres, mais on ne les aime pas, » disoit jadis un ministre. C’est ce que semblent dire nos ministres aujourd’hui.

Est-ce donc ainsi, au milieu des lumières du xix^ siècle, dans un royaume parvenu au dernier degré de la civilisation, chez une nation éclairée par sa récente expérience et par ses longs malheurs, est-ce ainsi que l’on traite des hommes raisonnables ? Est-ce donc ainsi qu’on se précipite en moins d’un an dans les contraires ? A-t-on le droit de désigner comme ne pouvant pas être élus membres de la chambre des députés des hommes qui remplissent d’ailleurs toutes les conditions de l’éligibilité ? Les royalistes ont été dénoncés dans tous les journaux, pour les écarter des élections précédentes, une autre classe de citoyens a été flétrie dans ces mêmes journaux pour l’éloigner des dernières élections. Si les gazettes étoient libres, leurs opinions seroient sans conséquence ; mais elles sont esclaves, et ce qu’elles renferment devient la pensée du gouvernement. Au moment où il est le plus important sous un régime constitutionnel de connoître l’opinion publique, on n’a entendu que l’opinion, sans doute excellente, de quelques hommes en place, mais qui pourtant en avoient une toute contraire il y a neuf mois, puisqu’ils envoyoient voter aux élections de 1816 les hommes qu’ils déclaroient indignes d’être élus aux élections de 1817.

Ces déplorables variations nous annoncent-elles un nouveau système politique ? Allons-nous voir le retour des royalistes ? Autre inconséquence : on n’en veut point. A la seconde restauration on fit des épurations dans un sens, on appela quelques royalistes, puis on les destitua pour remettre en place les premiers épurés ; et maintenant ces hommes de choix sont traités une seconde fois en ennemis. Quand en finirons-nous ? On embrasse un système ; puis on en a peur, puis on n’a pas la force d’en changer ; on blesse toutes les opinions, on se