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jusqu’à nos jours, je doute que v ministère l’eût trouvé capable d’entrer au conseil d’État. 11 semble qu’on s’efforce, par tous les moyens possibles, môme par ceux de l’amour-propre, d’extirper le royalisme jiour arracher les racines du trône : on voudroit qu’il ne restât de la race fidèle que quelques tombeaux épars sur les rives de la Drôme et dans les champs de la Vendée.

Et pourquoi attaque-t-on les royalistes avec tant de courage ? Pourquoi ? Parce qu’ils ne se défendent pas ! Leur vertu les perd ; leur honneur fait leur foiblesse : on les frappe sans crainte, sûr que l’on est qu’ils ne repousseront jamais les coups qu’on leur porte au nom du roi.

On s’excuse en disant que les intérêts de la révolution sont puissants, et qu’il faut beaucoup leur accorder. Cela est juste ; mais ces intérêts sont garantis par la Charte et par les lois. On doit les protéger ; d’accord : s’ensuit-il nécessairement qu’il faille persécuter les royalistes ? Dans tous temps on a méconnu quelques services ; mais il n’appartenoit qu’à la nouvelle école ministérielle de faire de l’ingratitude un principe de gouvernement.

a Les royalistes sont en si petit nombre ! » dites-vous. Seroit-ce une raison pour les proscrire ? Les royalistes sont très-nombreux, et les élections en offrent la preuve ; quand ils ne le seroient pas, quel avantage les ministres d’un roi trouvent-ils donc à prouver qu’il n’y a point de royalistes ? N’est-il pas de leur devoir d’en augmenter la race ? Au contraire, ils ont pris à tâche de multiplier les hommes d’une opinion différente. J’avois dit : Faites des royalistes : on a mieux aimé faire autre chose. Tel qui au retour du roi se seroit estimé heureux d’être oublié a appris qu’il étoit un personnage, et qu’on parloit de lui donner des garanties. D’abord il n’osoit se montrer, il sollicitoit humblement les amis du trône de lui faire obtenir son pardon : voilà qu’on lui déclare que c’est à lui de protéger les amis du trône. Tout étonné, il sort de sa retraite, il en croit à peine ses yeux, il est persuadé qu’on se moque de lui ; mais enfin il reconnoit, sans pouvoir le comprendre, que la chose est très-réelle, très-sérieuse ; que c’est à lui qu’appartiennent les récompenses et les honneurs ; que lui seul est un esprit éclairé, un homme habile, un grand citoyen. Il accepte avec dédain ce qu’on lui offre avec empressement : bientôt il devient exigeant, il parle de ses droits : c’est lui qui est l’opprimé, le persécuté ; il réclame, il n’est pas satisfait : il ne le sera que quand il aura renversé la monarchie légitime.

Voilà comme de ce qui n’étoit rien on a fait quelque chose. On s’est plu à ranimer un feu dont les dernières étincelles commençoient à s’éteindre. Déplorable effet du système adopté : pour embrasser ce