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Et puisque l’on s’obstine à défendre ce système, puisqu’un ministre dernièrement encore l’a vanté comme un chef-d’œuvre, il faut donc montrer qu’il n’est qu’un chef-d’œuvre d’inconséquences : à la fois violent et foible, fixe pour la haine, changeant par la peur, ce système offense les amours-propres et est antipathique au caractère françois. Vous commandez l’union, et vous divisez ; vous établissez la liberté en théorie, et l’arbitraire en pratique ; vous ne parlez que de la Charte, et vous demandez sans cesse des lois d’exception ; vous vantez l’égalité des droits, et vous vous efforcez de ravir à des classes de citoyens leur droit d’éligibilité ; enfin, vous isolez le pouvoir, et vous faites du ministère le gardien des intérêts de l’homme en place, et non le protecteur des intérêts de tous.

Comment le ministère, qui favorise ou qui subit le système, a-t-il traité les hommes et les opinions ?

Dans quel esprit a-t-il rédigé les lois ?

Quel caractère politique la chambre des députés a-t-elle pris entre ses mains ? et dans ses communications avec cette chambre, le ministère a-t-il bien compris l’esprit de la Charte ?

Voilà les points qu’il convient d’examiner.

La chambre des députés de 1815 déplut au ministère, qui s’étoit placé dans la minorité, et qui crut pendant quelque temps qu’on pouvoit marcher de la sorte. 11 s’aperçut bientôt que la chose étoit plus difficile qu’il ne l’avoit d’abord pensé. L’ordonnance du 5 septembre répara cette petite erreur.

Alors, nouvelles élections, circulaire du ministre de la police générale pour empêcher que les choix ne tombassent sur des individus trop ardents dans la cause du trône ; surveillances levées, afin que les hommes frappés de mesures de haute police pussent aller voter aux collèges électoraux ; ordres donnés parles différentes directions à tous les employés d’user de leur influence aux élections, s’ils ne veulent perdre sans retour la confiance du gouvernement ; commissaires envoyés dans les départements pour prévenir la nomination de MM. de Bonald, Grosbois, Brenet, Villèle, Castelbajac, Forbin, Siryès, Lachaise-Murel, Clermont Mont-Saint-Jean, Kergorlay, Corbière, etc. 11 faudroit nommer tous les membres de la majorité de la chambre de 1815, puisque M. le préfet d’Arras disoit dans sa fameuse lettre : « Je suis autorisé à le dire, à le répéter, à l’écrire : le roi verra avec mécontentement siéger dans la nouvelle chambre ceux des députés qui se sont signalés dans la dernière session par un attachement prononcé à la majorité opposée au gouvernement, »

Ces précautions prises, les élections commencent : dans quelques