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France a prouvé qu’avec un gouvernement ferme et vigoureux la monarchie constitutionnelle de Louis XVIII peut obtenir des triomphes aussi éclatants que la monarchie absolue de Louis XIV.

Deux révolutions abattues d’un seul coup, deux rois arrachés des mains des factieux, tels sont les effets immédiats d’une campagne de six mois. D’autres résultats immenses et incalculables sortent pour nous de cet événement. Pour ne parler que de celui qui frappe à présent tous les yeux, nos succès en Espagne font remonter notre patrie au rang militaire des grandes puissances de l’Europe, et assurent notre indépendance.

Les victoires de la révolution ne sont point effacées, mais elles n’exercent plus sur le souvenir une influence dangereuse ; d’autres victoires sont venues se placer entre le trône des Bourbons et celui de l’usurpateur. Un caractère particulier d’ordre et de modération, le caractère de la légitimité, a marqué des succès auxquels ne s’attache aucun sentiment pénible : on sent qu’ils sont faits pour tout conserver, comme les autres pour tout détruire.

Les soldats françois, qui se modèlent toujours sur leur capitaine, se sont montrés religieux, disciplinés, intrépides, et ont réfléchi, pour ainsi dire, dans chacun de leurs combats l’image et les vertus de leur chef illustre. Et quel chef ! l’héritier de soixante-huit rois ; le prince qui, instruit par l’adversité, doit monter un jour sur le trône et servir d’exemple à l’enfant du miracle ; le prince qui, longtemps opprimé par une révolution dont il alloit renverser l’empire, n’a trouvé dans son cœur au milieu du triomphe que de la générosité pour les vaincus, de la miséricorde pour les coupables ; d’une main plantant le drapeau de la victoire, de l’autre arrêtant les vengeances et sauvant les victimes !

L’Europe attentive a contemplé avec étonnement ce nouveau spectacle d’une armée qui n’a rien coûté au pays qu’elle a délivré, d’une armée dans les rangs de laquelle tous les partis cherchoient un abri, d’une armée qui va se retirer après ses conquêtes, n’emportant rien, ne demandant rien que l’amour du peuple qu’elle a sauvé ; d’un prince qui ne laissera après lui qu’une mémoire adorée et des conseils d’indulgence et de sagesse qu’il plaira à la Providence de faire écouter, car elle ne permettra pas que les passions corrompent et défigurent cet immortel ouvrage.

Prince objet du respect et de l’admiration publique, agréez ce tribut d’hommages qui vous est si justement dû. On peut louer des victoires que la religion bénit et que la morale réclame ; des victoires qui consolident la restauration, qui donnent de la stabilité à l’avenir, qui