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partirent, l’une sous la conduite du général Molitor, l’autre sous les ordres du général Bourcke : la première commençant par le combat de Logrono, et forçant Ballesteros à capituler devant Grenade, après avoir délivré du joug révolutionnaire la Catalogne et les royaumes de Valence et de Murcie, la seconde chassant les rebelles des Asturies et des Galices, et déterminant la soumission de Morillo.

Au centre de ces deux colonnes, qui, nettoyant les côtes occidentales et orientales de l’Espagne, étoient destinées à se rejoindre sous les murs de Cadix, marchoit la colonne qui, sous les ordres mêmes du prince généralissime, devoit arriver par un chemin plus direct au dernier rempart de la révolution. Le prince s’arrête un moment à Madrid, organise le gouvernement espagnol, que les grandes puissances du continent reconnoissent, envoie devant lui les généraux Bourmont et Bordesoulle, dirige le mouvement des divisions Bourcke et Molitor, lorsqu’elles sont parvenues à la hauteur déterminée, va lui-même emporter le Trocadéro, bombarder Cadix, forcer cette ville réputée impénétrable à lui ouvrir ses portes et à lui rendre le royal prisonnier.

Une nouvelle réserve entroit toutefois en Espagne sous les ordres du maréchal Lauriston, pour enlever Pampelune, se porter ensuite sur Lerida, et hâter la réduction de la Catalogne, où Figuières tomboit par le brillant fait d’armes de Llers et Llado. Figuières, Pampelune, Saint-Sébastien, Santona, élargissoient, en capitulant, la barrière par laquelle nous étions entrés en Espagne, et dégageoient vingt à vingt-cinq mille hommes qui pouvoient se porter partout où leur présence auroit été nécessaire. Ainsi, en moins de six mois, l’armée françoise s’est avancée des rives de la Bidassoa à la baie de Cadix, en touchant à tous les points de l’Espagne. Dans ce court espace de temps, elle a parcouru plus de mille lieues de terrain, livré des combats, fait des sièges, emporté des forteresses d’assaut, pour venir étouffer la révolution espagnole au lieu même de sa naissance, dans cette île demeurée inaccessible à la puissance de Buonaparte. Un des derniers noms que nous voyons figurer sur le champ de bataille pour la cause des Bourbons d’Espagne est celui de La Rochejaquelein : le sang vendéen n’a point perdu sa vertu dans les plaines de l’Estramadure.

Il seroit injuste d’oublier la part que notre marine renaissante a prise à ces succès : par les blocus qu’elle a formés, par son attaque à Algesiras, elle a amené la reddition de places importantes ; par la prise du fort de Santi-Petri, elle nous a ouvert l’île de Léon, où elle se préparoit à débarquer nos soldats. Tout a été grand, noble, chevaleresque dans la délivrance de l’Espagne. La France légitime conservera