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chevêque de Paris pour être traités comme de droit : Ut provideat eis de jure. La modération est le caractère distinctif de l’Église gallicane[1]. « En ce qui regarde ce que l’Église défend, dit Bossuet, les évêques ont souvent jugé selon toute la rigueur des canons : quelquefois aussi ils ont toléré beaucoup de choses selon la nécessité des temps ; et quand ils n’ont point vu de danger pour la foi ou pour les mœurs, ils ont consenti à quelque adoucissement, non toutefois par un relâchement de discipline aveugle ou inconsidéré, mais pour céder à une nécessité de telle nature qu’elle auroit pu même faire changer les lois ; c’est par cette raison que les saints Pères, et même le saint-siége, ont tant de fois loué cet adoucissement des canons… Selon les expressions d’Yves de Chartres, « pourvu qu’on ne touche pas au fondement de la foi et à la règle générale des mœurs, on peut user de quelque tempérament, quand il sembleroit approcher de la foiblesse… » Accusera-t-on pour cela l’Église de légèreté ? Dira-t-on, pour user des termes de saint Paul, qu’il y a en elle le oui et le non ? À Dieu ne plaise ! mais assurée qu’elle est de son éternité et immuablement attachée à la vérité même, elle s’accommode en quelque façon, par ce qu’elle a d’extérieur, aux choses humaines, moins pour céder à la nécessité des temps que pour servir au salut des âmes. »

Ne pourroit-on pas espérer de la sagesse du clergé qu’il prendra en considération le changement des mœurs et des temps ? Mais cette part une fois faite à l’esprit du siècle, avons-nous le droit de devancer la décision de l’Église et de nous porter à des violences pour nous faire à nous-mêmes ce qu’il nous plaît d’appeler justice ? Non, sans doute. Ceci nous ramène à la seconde partie de la question.

Un curé ne fait que suivre la loi qui lui est imposée lorsqu’il refuse de recevoir le corps d’un homme notoirement frappé des censures ecclésiastiques. Quand par sa charité naturelle il seroit disposé à en agir autrement, il ne le pourroit pas sans transgresser les canons auxquels, comme prêtre et comme curé, il est nécessairement assujetti. Si un soldat a reçu une consigne, peut-il violer ou laisser violer cette consigne, sous prétexte qu’elle a des inconvénients ? Est-il le juge et l’interprète des ordres de ses supérieurs ? Que deviendroit toute la discipline si chaque soldat, au lieu d’obéir, se mettoit à examiner les raisons de la conduite de son général, à blâmer ses motifs, ses plans, ses desseins ? Nous nous servons de cette comparaison chez une nation

  1. Lettre de l’Assemblée du clergé au pape, du 3 février 1682, t. IX des Œuvres de Bossuet.