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logie des spectacles, attribuée à un religieux, et imprimée en 1694, à la tête d’une édition des comédies de Boursault. La lettre de Bossuet et ses Dissertations sur la comédie sont des chefs-d’œuvre, où Rousseau a puisé une partie des arguments qu’il emploie dans sa fameuse lettre à d’Alembert. Pourroit-on faire un crime à l’Église d’avoir pensé sur la comédie comme le philosophe J.-J. Rousseau ?

Tout ceci prouve-t-il qu’il faut abolir les spectacles et ne pas enterrer les comédiens ? Non. Mais cela prouve que si ceux qui blâment la rigueur de l’Église, sans avoir examiné la question, avoient bien voulu consulter l’histoire, ils se seroient moins hâtés de condamner à la fois l’antiquité païenne et l’antiquité chrétienne. Aujourd’hui que nos mœurs sont changées, l’Église doit-elle se relâcher de quelque chose sur la discipline des spectacles ? On doit tout confier à sa sagesse. « Rome, dit Voltaire, a toujours su tempérer ses lois selon les temps et selon les besoins. » Elle ne fut jamais ennemie des beaux-arts, quand ils se renfermèrent dans des bornes légitimes. Le cardinal de Richelieu, en établissant son théâtre, fit enregistrer au parlement une déclaration du roi, par laquelle il renouvelle les peines prononcées contre les comédiens qui useront d’aucunes paroles lascives ou à double entente, qui pourroient blesser l’honnêteté publique ; mais au cas qu’ils soient modestes, ils ne seront pas notés d’infamie. Maintenant que notre théâtre est devenu plus chaste, que les acteurs ont suivi le progrès général de la société, que plusieurs d’entre eux joignent à des talents distingués des qualités morales dont s’honoreroient tous les hommes, ne doit-on pas les placer au rang de ces artistes estimables et estimés qui nous font jouir des chefs-d’œuvre du génie ? Nos préjugés contre le théâtre se sont affoiblis, parce que tous nos liens religieux se sont relâchés. Si l’on pouvoit tout à coup nous rendre chrétiens zélés et fervents, il seroit très-bon sans doute de maintenir la rigueur des canons : mais qui sait si l’Église ne jugera pas à propos de mettre un accord plus général entre sa discipline et l’état actuel de nos mœurs ? Cette discipline est-elle uniforme sur ce qui regarde le théâtre ? Dans une partie de l’Italie et de l’Allemagne, les comédiens ne sont pas excommuniés : le saint-siége et les conciles généraux ne se sont jamais expliqués sur ce sujet d’une manière très-positive. Clément XIII avoit fait fermer le théâtre Albertini à Rome : Clément XIV crut devoir en tolérer le rétablissement. Innocent XI défendit seulement aux femmes de paroître sur la scène. En 1696, les comédiens françois ayant fait présenter une requête à Innocent XII, pour être relevés des censures ecclésiastiques, ce pape, sans les condamner absolument, se contenta de les renvoyer à l’ar-