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Hardi) prit son père sur son col, et se mit à la voie tout à pied à aller droict à Sainct-Denys en France. »

Quel abîme de réflexions ! quelle comparaison à faire entre les événements, le temps, les lieux et les pompes funèbres de saint Louis et de Louis martyr !

Le cortège se rendra donc à l’église de l’apôtre de la France, mais les successeurs de ces religieux qui vinrent avec l’oriflamme au-devant de la châsse de saint Louis ne recevront point le descendant du saint roi. Dans ces demeures souterraines, où dormoient ces rois et ces princes anéantis ; dans ces sombres lieux, où les rangs étoient si pressés qu’on pouvoit à peine y placer Mme Henriette, Louis XVI se trouvera seul !… Comment tant de morts se sont-ils levés ? Pourquoi Saint-Denis est-il désert ? Demandons plutôt pourquoi son toit est rétabli, pourquoi son autel est debout. Quelle main a reconstruit la voûte de ses caveaux et préparé ces tombeaux vides ? La main de ce même homme qui étoit assis sur le trône des Bourbons. Ô Providence ! il çroyoit préparer des sépulcres à sa race, et il ne faisoit que bâtir le tombeau de Louis XVI ! L’injustice ne règne qu’un moment : il n’y a que la sagesse qui compte des aïeux et laisse une postérité. Voyez en même temps le maître de la terre tomber au milieu de ses violences, Louis XVIII ressaissir le sceptre et Louis XVI retrouver la sépulture de ses pères. La royauté des légitimes monarques avoit dormi pendant vingt années ; mais leurs droits, fondés sur leurs vertus, étoient indestructibles comme leur noblesse. Dieu finit d’un seul coup cette révolution épouvantable, et les rois de France reprennent à la fois possession de leur trône et de leur tombeau.

Tandis que les restes mortels de Louis XVI et de Marie-Antoinette seront portés à Saint-Denis, on posera la première pierre du monument qui doit être élevé sur la place Louis XV.

Ce monument représentera Louis XVI[1] qui déjà, quittant la terre, s’élance vers son éternelle demeure. Un ange le soutient et le guide, et semble lui répéter ces paroles inspirées : Fils de saint Louis, montez au ciel ! Sur un des côtés du piédestal paroîtra le buste de la reine dans un médaillon ayant pour exergue ces paroles si dignes de l’épouse de Louis XVI : J’ai tout su, tout vu, et tout oublié. Sur une autre face de ce piédestal, on verra un portrait en bas-relief de Mme Élisabeth. Ces mots seront écrits autour : Ne les détrompez pas ; mots sublimes qui lui échappèrent dans la journée du 20 juin, lorsque des assassins menaçoient ses jours en la prenant pour la reine. Sur le

  1. On a changé le projet de quelques-uns de ces monuments.