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qu’ils ont fait. Si une fille sanglante de la Convention alloit sortir des collèges électoraux, ne regretteroient-ils point cette chambre, qui a pu contrarier leurs systèmes, mais où se rencontroit l’élite des vrais François, où se trouvoient des hommes qui, en partageant jadis l’exil du roi, avoient retenu quelque chose des vertus de leur maître ? Les ministres apprendroient alors à leurs dépens, et malheureusement à ceux de la France, que leurs prétendus amis sont moins faciles à conduire que leurs prétendus ennemis : ils verroient s’il est plus commode d’avoir affaire à une assemblée d’ambitieux révolutionnaires qu’à une chambre dont le roi regardoit les députés comme introuvables, comme un bienfait de la Providence.

Et si les révolutionnaires ne dominent pas tout à fait dans la nouvelle chambre, les ministres n’ont-ils point à craindre qu’une assemblée divisée en deux partis violents ne présente à l’Europe le spectacle et ne promette les résultats d’une diète de Pologne ?

Vous la dissoudrez encore : quoi ! tous les mois de nouvelles élections !

Enfin, si la nouvelle chambre n’est composée que d’hommes nuls et passifs, incapables, si l’on veut, de faire le mal, mais incapables aussi de l’arrêter ; si cette chambre devenait l’instrument aveugle de la faction qui pousse à l’illégitimité, je demande encore ce que deviendroit notre malheureuse patrie.

Quels motifs impérieux ont donc pu porter les ministres à avoir recours à la prérogative royale ? Quel avantage peut balancer les inconvénients de toutes les sortes que présente dans ce moment la convocation des collèges électoraux ? Voici la grande raison pour laquelle on met encore la France en loterie : le parti qui entraîne la France à sa perte veut, par-dessus tout, la vente des bois du clergé : il la veut, non comme un bon système de finance, mais comme une bonne mesure révolutionnaire ; non pour payer les alliés, mais pour consacrer la révolution : et comme il savoit bien que la chambre des députés n’eût jamais consenti à cette vente, il a profité de l’humeur et des fausses terreurs du ministère pour lui persuader, très-mal à propos, que son existence étoit incompatible avec celle de la chambre. On a craint encore que cette chambre n’éclairât le roi sur la véritable opinion de la France. Enfin, je l’ai déjà dit, le parti n’a jamais pu pardonner aux députés d’avoir démêlé ses projets et frappé dans les régicides les princes de la révolution.

Cependant, que les bons François ne perdent point courage ; qu’ils ne se retirent point ; qu’ils se présentent en foule aux élections. Ils auront sans doute à vaincre bien des obstacles ; il leur faudra lutter