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tions à faire à la Charte, nous avons pensé qu’il étoit de notre justice de faire jouir dès à présent la nation des avantages qu’elle doit recueillir d’une représentation plus nombreuse et moins restreinte dans les conditions d’éligibilité ; mais voulant cependant que dans aucun cas aucune modification à la Charte ne puisse devenir définitive que d’après les formes constitutionnelles, les dispositions de la présente ordonnance seront le premier objet des délibérations des chambres. Le pouvoir législatif, dans son ensemble, statuera sur la loi des élections, sur les changements à faire à la Charte dans cette partie, changements dont nous ne prenons ici l’initiative que dans les points les plus indispensables et les plus urgents, en nous imposant même l’obligation de nous rapprocher, autant que possible, de la Charte et des formes précédemment en usage. »

Que de choses dans les motifs de cette ordonnance ! Les ministres qui l’ont faite disent : Qu’il faut modifier plusieurs articles de la Charte conformément à la leçon de l’expérience et au vœu bien connu de la nation ; ils assurent que le nombre des députés des départements se trouve, par diverses causes, beaucoup trop réduit pour que la nation soit suffisamment représentée ; ils prétendent qu’il est important que la représentation nationale soit nombreuse ; que les élections servent comme d’expression à l’opinion de la France. Enfin, insistant sur le même principe, ils déclarent que bien que le mode des élections n’eût pu encore être réglé par une loi, il étoit de la justice de faire jouir dès à présent la nation des avantages qu’elle doit recueillir d’une représentation plus nombreuse et moins restreinte dans les conditions de l’éligibilité.

Tout cela étoit vrai il y a à peine un an : ce n’est donc plus vrai aujourd’hui ? Le vœu bien connu de la nation a donc changé ? La leçon de l’expérience et le vœu bien connu de la nation demandoient alors la révision de quelques articles de la Charte ; et à présent les ministres nous disent que les vœux et les besoins des François sont pour conserver intacte la Charte constitutionnelle ! Il falloit au moins changer les mots. Que penser lorsqu’on voit des hommes qui avoient applaudi avec transport à la première ordonnance, applaudir avec fureur à la seconde ? On s’est donc trompé, lorsqu’on a cru que le nombre des députés des départements étoit beaucoup trop réduit ?

La nation, composée de vingt-quatre millions d’habitants, sera donc suffisamment représentée par deux cent soixante députés ? Les départements de la Lozère, des Hautes et Basses-Alpes, par exemple, qui n’auront qu’un seul député à la chambre, seront-ils pleinement satisfaits ? Si nous changeons de ministres tous les ans, aurons-nous d’année