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loi même a parlé. Mais les ministres ayant donné des motifs dans le considérant, la chose change de nature. Il faut toujours respecter, adorer la volonté royale ; hésiter un moment à s’y soumettre seroit un crime. Le roi ne peut vouloir que notre bien, ne peut ordonner que notre bien ; mais les motifs ministériels sont livrés à nos disputes.

Les ministres rappellent ces sages paroles de l’admirable discours du roi à l’ouverture de la dernière session : « Aucun de nous ne doit oublier qu’auprès de l’avantage d’améliorer est le danger d’innover. »

Il peut paroître d’abord un peu singulier que les ministres aient cité cette phrase, car sur qui le reproche d’innovation tombe-t-il ? Ce n’est pas sur la chambre, qui n’a rien innové : c’est donc sur l’ordonnance du 13 juillet 1815, qui avoit changé quelques articles de la Charte. C’est donc une querelle d’ordonnance à ordonnance, de ministère à ministère.

Les ministres, qui ont lu le discours du roi (puisqu’ils en citent une phrase dans l’ordonnance du 5 septembre), n’ont-ils point lu dans ce même discours ce passage, si remarquable : « Messieurs, c’est pour donner plus de poids à vos délibérations, c’est pour en recueillir moi-même plus de lumières que j’ai créé de nouveaux pairs, et que le nombre des députés des départements a été augmenté ? »

Puisqu’ils ont également oublié le considérant de l’ordonnance du 13 juillet 1815, je vais le leur remettre sous les yeux :

« Nous avions annoncé que notre intention étoit de proposer aux chambres une loi qui réglât les élections des députés des départements. Notre projet étoit de modifier, conformément à la leçon de l’expérience et au vœu bien connu de la nation, plusieurs articles de la Charte touchant les conditions d’éligibilité, le nombre des députés, et quelques autres dispositions relatives à la formation de la chambre, à l’initiative des lois et au mode de ses délibérations.

« Le malheur des temps ayant interrompu la session des deux chambres, nous avons pensé que maintenant le nombre des députés des départements se trouvoit, par diverses causes, beaucoup trop réduit pour que la nation fût suffisamment représentée ; qu’il importoit surtout dans de telles circonstances que la représentation nationale fût nombreuse, que ses pouvoirs fussent renouvelés, qu’ils émanassent plus directement des collèges électoraux ; qu’enfin les élections servissent comme d’expression à l’opinion actuelle de nos peuples.

« Nous nous sommes donc déterminé à dissoudre la chambre des députés et à en convoquer sans délai une nouvelle ; mais le mode des élections n’ayant pu être réglé par une loi, non plus que les modifica-