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quer touchant l’éducation, les lettres et les arts ; mais il faut finir, et me borner aux grandes lignes politiques.

Je me résume en quelques mots.

La religion, base du nouvel édifice, la Charte et les honnêtes gens, les choses politiques de la révolution, et non les hommes politiques de la révolution : voilà tout mon système.

Le contraire de ce système est précisément ce que l’on a adopté. On a toujours voulu les hommes beaucoup plus que les choses. On a gouverné pour les intérêts, nullement pour les principes. On a cru que l’œuvre et le chef-d’œuvre de la restauration consistoit à conserver chacun à la place qu’il occupoit. Cette stérile et timide idée a tout perdu : car les principaux auteurs de nos troubles ayant des intérêts opposés aux intérêts de la monarchie légitime, ne pouvant d’ailleurs que détruire, et étant inhabiles à fonder, la restauration n’a point marché, et la France a été replongée dans l’abîme.

On se rassure vainement sur l’excellent esprit de la garde et de l’armée, sur la bonne composition de la gendarmerie : ce sont deux grandes choses sans doute, mais elles ne suffisent pas. Le système des intérêts révolutionnaires auroit bientôt détruit ce bel ouvrage. Partout où il s’insinue, il empoisonne, gâte et corrompt tout. Il détériore le bien, arrête les choses le plus heureusement commencées, persécute les hommes fidèles, les force à se retirer, décourage le zèle, favorise les malveillants ; et il triompheroit tôt ou tard de la monarchie légitime.

Dans mon plan, le succès de cette monarchie est assuré ; mais je sais qu’il faut du courage pour le suivre. Il est plus facile d’attaquer les choses qui se taisent que les hommes qui crient. Il est plus aisé de renverser une Charte qui ne se défend pas que des intérêts personnels qui font une vive résistance. Je n’en suis pas moins persuadé qu’il n’y a de salut que dans la vérité politique que j’expose ici. Si les uns croyoient que l’on peut revenir à toutes les anciennes institutions ; si les autres pensoient qu’on ne doit gouverner la France qu’avec les mains qui l’ont déchirée, ce seroit de part et d’autre la méprise la plus funeste. La France veut les intérêts politiques et matériels créés par le temps et consacrés désormais par la Charte ; mais elle ne veut plus ni les principes ni les hommes qui ont causé nos malheurs. Hors de là tout est illusion, et l’administration qui ne sentira pas cette vérité tombera dans des fautes irréparables.

Ma tâche est remplie. Je n’ai jamais écrit un ouvrage qui m’ait tant coûté. Souvent la plume m’est tombée des mains ; et dans des moments de découragement et de foiblesse, j’ai quelquefois été tenté de jeter