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Je suis donc persuadé que l’ancienne noblesse de France, qui a déjà rejoint à l’armée tous ses nouveaux compagnons d’armes, faits nobles par le courage et par l’honneur, cette noblesse qui vient de prendre une part si brillante à l’ordre politique, aura bientôt fait taire tous les regrets, et qu’elle deviendra un aussi ferme soutien de la monarchie représentative qu’elle le fut de l’ancienne monarchie. La liberté n’est point étrangère à la noblesse françoise, et jamais elle ne reconnut dans nos rois de puissance absolue que sur son cœur et sur son épée.

CHAPITRE LII.
CONTINUATION DU PRÉCÉDENT.
QU’IL FAUT ATTACHER LES HOMMES D’AUTREFOIS À LA MONARCHIE NOUVELLE. ÉLOGE DE CETTE MONARCHIE.
CONCLUSION.

Depuis la restauration, quelques hommes de bonne foi, dupes des intérêts révolutionnaires, se sont efforcés de convertir les hommes d’aujourd’hui à l’ancienne royauté : c’est le contre-pied du vrai système. Ce sont les hommes d’autrefois qu’il faut réconcilier avec les nouvelles institutions.

Je conviens que nos malheurs ont pu faire naître contre le gouvernement représentatif des préjugés fort légitimes. Mais si l’ancien régime ne peut se rétablir, comme je crois l’avoir rigoureusement démontré dans les Réflexions politiques, que voudroit-on mettre à sa place ? Et d’ailleurs cet ancien régime, tout admirable qu’il pouvoit être, n’avoit-il pas eu, comme l’ordre des choses actuel, ses temps de crise et de détresse ? Nos vieillards, se rappelant les jours sereins qui ont précédé nos tempêtes, peuvent croire qu’un calme aussi parfait étoit uniquement dû à la bonne constitution de l’ancien gouvernement ; mais si nous pouvions interroger nos pères qui vivoient du temps de la Ligue, nous les entendrions peut-être accuser ce gouvernement aujourd’hui l’objet de nos regrets. Tout peut devenir cause de crimes, les principes les meilleurs, les plus saints établissements ; les hommes conserveroient peu de chose s’ils rejetoient toutes les institutions qui ont été le prétexte ou le résultat de leurs malheurs.

La monarchie représentative peut n’être pas parfaite, mais elle a des avantages incontestables. Y a-t-il guerre au dehors, agitation au dedans, elle se change en une espèce de dictature par la suspension de certaines lois. Une chambre est-elle factieuse, elle est arrêtée par