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Enfin, si vous laissez, comme on l’a fait jusque ici, le clergé en dehors de tout, vous le rendrez nécessairement ennemi, ou du moins indifférent ; une grande partie de l’opinion le suivra, et se détachera de vous. Ce clergé, tout pauvre, tout misérable que vous l’aurez laissé, créera malgré vous un empire dans un empire. Il se rappellera bien plus le rang qu’il occupoit jadis en France quand vous le tiendrez à l’écart que lorsque vous l’aurez admis à tout ce qu’il peut être. S’il se plaignoit alors, ce seroit sans justice, car il faut bien qu’il supporte les modifications éprouvées par les ordres de l’État.

Au reste, lorsque j’insiste, comme premier moyen de salut, sur la nécessité de faire rentrer la religion dans la monarchie, je ne prétends aller ni au delà ni en deçà du siècle : la raison est mon guide, et je sais très-bien ce qui se peut et ce qui ne se peut pas. Sur ce point, j’ai exposé ma doctrine à la chambre des pairs ; qu’il me soit permis de la rappeler.

« Plus le haut rang de la pairie, disois-je en parlant sur la loi des élections, semble nous éloigner de la foule, plus nous devons nous montrer les zélés défenseurs des privilèges du peuple. Attachons-nous fortement à nos nouvelles institutions, empressons-nous d’y ajouter ce qui leur manque. Pour relever l’autel avec des applaudissements unanimes, pour justifier la rigueur que nous avons déployée dans la poursuite des criminels, soyons généreux en sentiments politiques ; réclamons sans cesse tout ce qui appartient à l’indépendance et à la dignité de l’homme. Quand on saura que notre sévérité religieuse n’est point de la bigoterie ; que la justice que nous demandons pour les prêtres n’est point une inimitié secrète contre les philosophes ; que nous ne voulons point faire rétrograder l’esprit humain ; que nous désirons seulement une alliance utile entre la morale et les lumières, entre la religion et les sciences, entre les bonnes mœurs et les beaux arts, alors rien ne nous sera impossible, alors tous les obstacles s’évanouiront, alors nous pourrons espérer le bonheur et la restauration de la France. Trois choses, messieurs, feront notre salut : le roi, la religion et la liberté. C’est comme cela que nous marcherons avec le siècle et avec les siècles, et que nous mettrons dans nos institutions la convenance et la durée. »