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si utiles ne s’attachent point aux registres purement civils : c’est un catalogue d’esclaves pour la loi et de conscrits pour la mort.

Il n’y a aucun doute que l’éducation publique ne doive être remise entre les mains des ecclésiastiques et des congrégations religieuses aussitôt qu’on le pourra : c’est le vœu de la France.

Que la pairie appartienne au siège de tous les archevêchés de France ; qu’il y ait dans la chambre des pairs le banc des évêques, comme il existe dans la chambre des lords en Angleterre. Je ne vois rien qui puisse empêcher encore qu’un ecclésiastique soit élu membre de la chambre des députés ; la Charte ne s’y oppose pas, s’il est propriétaire ; cela ne blesseroit ni nos mœurs ni nos souvenirs, puisque le clergé formoit autrefois le premier ordre de nos états généraux, et que nous sommes également accoutumés à l’entendre parler dans la chaire et dans les assemblées politiques.

Je ne doute point que le clergé, tenant au sol de la France par la propriété des églises, prenant une part active à nos institutions civiles et politiques, ne fournît en même temps une classe de citoyens aussi dévoués que nous-mêmes à la Charte. Depuis le commencement de la monarchie jusqu’à nos jours il est incontestable que les talents supérieurs se sont trouvés placés dans l’Église ; elle a fourni nos plus grands ministres, comme elle nous a donné nos plus éloquents orateurs et nos premiers écrivains. Répandus dans le corps social, les prêtres y porteroient une influence salutaire ; ils guériroient les plaies faites par la révolution, apaiseroient le bouillonnement des esprits, corrigeroient les mœurs, rétabliroient peu à peu les idées d’ordre et de justice, déracineroient les fausses doctrines, introduiroient de toutes parts la religion, qui est le ciment des institutions humaines, et la morale, qui donne la perpétuité à la politique.

Mais l’esprit du clergé ne sera-t-il pas en opposition avec l’esprit du gouvernement constitutionnel ? Et depuis quand la religion chrétienne est-elle ennemie d’une liberté réglée par les lois ? L’Évangile n’a-t-il pas été prêché à toute la terre ? N’est-ce pas un de ses caractères divins que de pouvoir s’appliquer à toutes les formes de la société ?

Dans le moyen âge, l’Italie étoit couverte de républiques, et l’Italie étoit catholique comme aujourd’hui. Les trois cantons d’Uri, de Schwitz et d’Underwald ne professent-ils pas également la religion catholique ? Et n’y a-t-il pas déjà quatre siècles qu’ils ont donné à l’Europe barbare l’exemple de la liberté ? En Angleterre, un clergé riche et puissant est le plus ferme appui du trône, comme de la constitution britannique ; et le temps n’est pas éloigné sans doute où le clergé catholique irlandois jouira des bienfaits de cette belle constitution.