Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 7.djvu/263

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aujourd’hui aux papistes, disoit le docteur Johnson, auroient crié au feu pendant le déluge.

On fait valoir la générosité, la patience, la résignation du clergé, qui ne demande rien, qui souffre en silence pendant que tout le monde murmure et réclame quelque chose. Il est curieux d’argumenter de ses vertus pour le laisser mourir de faim ; c’est pour ces vertus mêmes qu’il faut lui donner.

Qui recevra les biens dont je veux qu’on remette la jouissance au clergé ? Les biens n’appartenoient pas aux églises en général : ils étoient le patrimoine particulier d’ordres monastiques, d’abbayes, d’évêchés même qui n’existent plus.

Que j’aime à voir ces tendres sollicitudes et ces soucis vraiment paternels ! Mais rendez toujours, et laissez faire ceux à qui vous aurez rendu. Il est probable que l’Église, qui ne s’entend pas trop mal en administration, trouvera moyen, aussi bien que vous, de gérer et de répartir quelques chétives propriétés.

Le clergé sera donc organisé ; il aura donc un conseil administratif. Quel mal cela vous fera-t-il ? Les villes, les communes, les fabriques, les hôpitaux, ne possèdent-ils pas, n’ont-ils pas aussi des assemblées pour diriger leurs affaires ?

Par cette opération salutaire, le peuple se trouvera d’abord soulagé d’une partie de l’impôt qu’il paye pour le culte. À mesure que les églises acquerront, on diminuera les secours que l’État est obligé de leur fournir.

Le clergé reprendra en même temps cette dignité qui naît de l’indépendance. Devenu propriétaire, ou du moins trouvant une existence honorable dans les propriétés de l’Église, il s’intéressera à la propriété commune. Cet acte de justice l’attachera au gouvernement ; engagé par la reconnoissance, vous aurez bientôt dans vos rangs un auxiliaire dont la force égalera le zèle.

Augmentez ensuite son penchant pour la monarchie nouvelle, en lui rendant, partout où cela sera possible, la tenue des registres de l’état civil.

Quand le législateur peut choisir entre deux institutions, il doit préférer la plus morale à celle qui l’est moins. Le chrétien reçu par un prêtre en venant au monde, inscrit sous le nom et la protection d’un saint à l’autel du Dieu vivant, semble, pour ainsi dire, protester, en naissant, contre la mort, et prendre acte de son immortalité. L’Église, qui l’accueille à son premier soupir, paroît lui apprendre encore que les premiers devoirs de l’homme sont les devoirs de la religion, et ceux-là renferment tous les autres. Ces idées si nobles et