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CHAPITRE L.
DÉVELOPPEMENT DU SYSTÈME :
COMMENT LE CLERGÉ DOIT ÊTRE EMPLOYÉ DANS LA RESTAURATION.

Lorsque Dagobert fit rebâtir Saint-Denis, il jeta dans les fondations de l’édifice ses joyaux et ce qu’il avoit de plus précieux : jetez ainsi la religion et la justice dans les fondations de notre nouveau temple.

Toutes les propositions de la chambre des députés relativement au clergé non-seulement étoient justes autant que morales, mais encore éminemment politiques. Les esprits superficiels n’ont point vu cela : mais que voient-ils ?

Voulez-vous faire aimer et respecter les institutions nouvelles ? Que le clergé aime et prêche de cœur les institutions. Conduisez-les à l’antique autel de Clovis avec le roi ; qu’elles y soient marquées de l’huile sainte ; que le peuple assiste à leur sacre, si j’ose m’exprimer ainsi, et leur règne commencera. Jusqu’à ce moment la Charte manquera de sanction aux yeux de la foule : la liberté qui ne nous viendra pas du ciel nous semblera toujours l’ouvrage de la révolution, et nous ne nous attacherons point à la fille de nos crimes et de nos malheurs. Que seroit-ce en effet qu’une Charte que l’on croiroit en péril toutes les fois que l’on parleroit de Dieu et de ses prêtres ? une liberté dont les alliés naturels seroient l’impiété, l’immoralité et l’injustice ?

Mais pour que le clergé s’attache à votre gouvernement, levez donc l’espèce de proscription dont il est encore frappé, et qui semble tenir à ce gouvernement même ; faites que celui qui distribue le pain de vie puisse donner la charité au lieu de la recevoir, et que, prenant part lui-même à l’ordre politique, le ministre de Dieu ne soit plus étranger aux hommes.

Ainsi, permettez aux Églises d’acquérir ; rendez-leur le reste des domaines sacrés non encore vendus. Il est prouvé, par l’exemple de la Grande-Bretagne, que l’existence d’un clergé propriétaire n’est point incompatible avec celle d’un gouvernement constitutionnel. Dire que parce que l’Église possédera quelques terres le clergé redeviendra un corps politique en France, c’est une chimère que les ennemis de la religion mettent en avant sans y croire. Ils savent parfaitement combien nos mœurs et nos idées s’opposent aujourd’hui à tout envahissement du clergé. Ne voyons-nous pas des gens tout aussi sincères craindre à présent la puissance de la cour de Rome ? Ceux qui crient