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que la révolution françoise n’est que le commencement d’une révolution plus terrible ; il faudroit reconnoître que le christianisme, prêt à disparoître de l’Europe, la menace, en se retirant, d’un bouleversement général. Les grandes catastrophes dans l’ordre politique accompagnent toujours les grandes altérations dans l’ordre religieux : tant il est vrai que la religion est le vrai fondement des empires !

Hommes de bonne foi, qui ne suivez que par une sorte de fatalité le système des intérêts révolutionnaires, j’ai rempli ma tâche ; vous êtes avertis ; vous voyez maintenant où ce système vous mène : me croirez-vous ? Je ne le pense pas. Vous prendrez pour les passions d’un ennemi ce qui est la franche et sincère conviction d’un honnête homme. Un jour peut-être il n’en sera plus temps ; vous regretterez de ne m’avoir pas écouté : vous reconnoîtrez alors quels étoient et quels n’étoient pas vos amis. Vous vous confiez aujourd’hui à des hommes qui flattent vos passions, caressent votre humeur, chatouillent vos foiblesses ; à des hommes qui vous égarent, qui tiennent derrière vous sur votre compte les propos les plus méprisants, et sont les premiers à rire de ce qu’ils appellent votre incapacité. Ils vous poussent à des fautes dont ils profitent. Vous croyez qu’ils vous servent avec zèle : les uns ne veulent que votre place, les autres que la ruine du trône que vous soutenez. Je vous le prédis, et j’en suis certain, vous n’arriverez point au but en suivant le système des intérêts révolutionnaires : vous pouvez y toucher ; une fatale illusion vous trompe. Athamas, jouet d’une puissance ennemie, croyoit déjà reconnoître le port d’Ithaque, le temple de Minerve, la forteresse et la maison d’Ulysse ; il croyoit déjà voir au milieu de ses sujets tranquilles, dans l’antique palais de Laerte, ce roi si fameux par sa sagesse, qui revenu de l’exil, éprouvé par le malheur, avoit appris à connoître les hommes : mais quand le nuage vint à se dissiper, Athamas ne vit plus qu’une terre inconnue, où vivoit un peuple en butte aux factions, en guerre avec ses voisins, et que gouvernoit un roi étranger, poursuivi par la colère des dieux.

CHAPITRE XLVII.
EST-IL UN MOYEN DE RENDRE LE REPOS À LA FRANCE ?

Je laisserois trop d’amertume dans le cœur des bons François en terminant ainsi mon travail. L’ouvrage, d’ailleurs, ne seroit pas complet. Si j’ai exposé sans déguisement les périls dont nous sommes menacés, parce que j’ai pensé qu’il étoit nécessaire de nous réveiller