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roit croire à quelques dangers, s’il n’étoit convaincu que ceux qui les signalent ne crient que parce qu’ils sont mécontents, que parce qu’ils ont été déjoués dans leurs intrigues et leurs ambitions particulières. Tels enfin, et c’est le plus grand nombre, sont frivoles ou pusillanimes, ne veulent que la tranquillité et les plaisirs, craignent jusqu’à la pensée de ce qui pourroit les troubler, et se rangent du côté de la puissance, croyant embrasser le parti du repos.

Toutes ces personnes ne trahissent pas la monarchie légitime, mais elles servent d’instruments à la faction qui la trahit : en les voyant soutenir des hommes pervers et des opinions révolutionnaires, la foule, qui ne raisonne pas, croit que la raison est du côté de ces opinions et de ces hommes pervers. Ils entraînent ainsi par l’autorité de leur exemple et affoiblissent le bataillon des fidèles. Quand l’événement viendra les réveiller ; quand, surpris par la catastrophe, ils s’apercevront qu’ils ont été les dupes des misérables qu’ils protègent, qu’ils ont servi de marchepied à l’usurpation, alors ils se feront loyalement tuer aux pieds du monarque, mais la monarchie sera perdue.

CHAPITRE XLVI.
POLITIQUE EXTÉRIEURE DU SYSTÈME DES INTÉRÊTS RÉVOLUTIONNAIRES.

Comment parlerai-je du dernier appui que cherchent les intérêts révolutionnaires ? Qui auroit jamais imaginé que des François, pour conserver de misérables places, pour faire triompher les principes de la révolution, pour amener la destruction de la légitimité, iroient jusqu’à s’appuyer sur des autorités autres que celles de la patrie, jusqu’à menacer ceux qui ne pensent pas comme eux de forces qui, grâce au ciel ! ne sont pas entre leurs mains ?

Mais vous qui nous assurez, les yeux brillants de joie, que les étrangers veulent vos systèmes (ce que je ne crois pas du tout), vous qui semblez mettre vos nobles opinions sous la protection des baïonnettes européennes, ne reprochiez-vous pas aux royalistes de revenir dans les bagages des alliés ? Ne faisiez-vous pas éclater une haine furieuse contre les princes généreux qui vouloient délivrer la France de la plus infâme oppression ? Que sont donc devenus ces sentiments héroïques ? François si fiers, si sensibles à l’honneur, c’est vous-mêmes qui cherchez aujourd’hui à me persuader qu’on vous permet tels sentiments, ou qu’on vous commande telle opinion. Vous ne mou-