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Cette haine de la religion est le caractère distinctif de ceux qui ont fait notre perte, qui méditent encore notre ruine. Ils détestent cette religion parce qu’ils l’ont persécutée, parce que sa sagesse éternelle et sa morale divine sont en opposition avec leur vaine sagesse et la corruption de leur cœur. Jamais ils ne se réconcilieront avec elle. Si quelques-uns d’entre eux montroient seulement quelque pitié pour un prêtre, tout le parti se croiroit dégénéré de ses vertus et menacé d’un grand malheur. Rome au temps de ses mœurs fut consternée de voir une femme plaider devant les tribunaux : ce manque de pudeur parut à la république annoncer quelque calamité, et le sénat envoya consulter l’oracle.

Mais comment comprendre que ceux qui peuvent quelque chose sur nos destinées, qui prétendent vouloir la monarchie légitime, rejettent la religion ? L’impiété ne nous a-t-elle pas fait assez de mal ? Le sang et les larmes n’ont-ils pas assez coulé ? N’y a-t-il pas eu assez de proscriptions, de spoliations, de crimes ? Non : on remet encore en question les injustices révolutionnaires ; on entend encore débiter les mêmes sophismes qu’en 1789. Les prêtres, après le massacre des Carmes, les déportations à la Guiane, les mitraillades de Lyon, les noyades de Nantes, après le meurtre du roi, de la reine, de Mme Élisabeth, du jeune roi Louis XVII, les prêtres, dépouillés de tout, sans pain, sans asile, sont encore pour des hommes d’État des Calotins. Eh bien ! si nous en sommes là, je ne crains pas d’annoncer que le souhait du philosophe Diderot s’accomplira.

CHAPITRE XLV.
HAINE DU PARTI CONTRE LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS.

Quelque chose dans l’ordre politique, comme dans l’ordre religieux, contrarie-t-il le système des intérêts révolutionnaires, et conséquemment s’oppose-t-il au renversement de la famille légitime, le parti frémit, se soulève, tonne, éclate : de là sa fureur contre la chambre des députés. Quelle pitié d’entendre aujourd’hui les constitutionnels nier l’existence des gouvernements représentatifs, soutenir qu’une chambre de députés doit se réduire à la passive obéissance, combattre la liberté de la presse, préconiser la police, enfin changer entièrement de rôle et de langage ! Ils traitoient d’esprits bornés, d’esclaves, d’ennemis des lumières, ceux qui professoient les principes qu’ils adoptent aujourd’hui. Sont-ils convertis ? Non, c’est toujours le même