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roi : il faut, à tout, prix, détruire cet ouvrage, qui rendroit vains les efforts des conspirateurs. Si l’on ne peut d’abord renverser le ministre, il faut essayer de le dépopulariser dans le parti royaliste ; il faut l’obliger à donner des gages, le forcer à quelques destitutions fâcheuses, à quelque choix malheureux. On cherche en même temps à faire revivre l’armée de la Loire : estimons son courage, mais donnons-nous garde de lui rendre un pouvoir dont elle a trop abusé. L’armée de Charles VII se retira aussi sur les bords de la Loire ; mais La Hire et Dunois combattoient pour les fleurs de lis, et Jeanne d’Arc sauva Orléans pour le roi comme pour la France.

CHAPITRE XLI.
LA FACTION POURSUIT LES ROYALISTES.

La faction s’empare ainsi de tous les postes, recule lentement quand elle y est forcée, avance avec célérité quand elle voit le moindre jour, et profite de nos fautes autant que de ses victoires. Pateline et audacieuse, son langage ne prêche que modération, oubli du passé, pardon des injures ; ses actions annoncent la haine et la violence. En même temps qu’elle soutient ses amis, qu’elle les porte au pouvoir, qu’elle les établit dans les places, afin de s’en servir au moment critique, elle décourage, insulte, persécute les royalistes pour ne pas les trouver sur son chemin dans ce même moment.

Elle a inventé un nouveau jargon pour arrivera son but. Comme elle disoit au commencement de la révolution les aristocrates, elle dit aujourd’hui les ultra-royalistes. Les journaux étrangers à sa solde ou dans ses intérêts écrivent tout simplement les ultra. Nous sommes donc des ultra, nous, tristes héritiers de ces aristocrates dont les cendres reposent à Picpus et au cimetière de La Madeleine ! Par le moyen de la police, la faction domine les papiers publics, et se moque en sûreté de ceux à qui la défense n’est pas permise. La grande phrase reçue, c’est qu’il ne faut pas être plus royaliste que le roi. Cette phrase n’est pas du moment ; elle fut inventée sous Louis XVI : elle enchaîna les mains des fidèles, pour ne laisser de libre que le bras du bourreau.

Si les royalistes essayent de se réunir pour se reconnoître, pour se prémunir contre les coalitions des méchants, on s’empresse de les disperser. Des autorités avancent cette abominable maxime : qu’il faut proscrire un bon principe qui a de mauvais résultats, comme on proscriroit un principe pervers : frappez donc la vertu, car presque tou-