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Aux finances et dans les directions qui en dépendent le système des intérêts révolutionnaires s’est maintenu avec vigueur. Un commis retourne dans le village où il a été trop connu pendant les Cent Jours. Que pensent les gens de la campagne en revoyant cet homme ? Que cet homme avoit raison de leur annoncer la catastrophe du 20 mars avant les Cent jours, et qu’il a sans doute encore raison lorsqu’il se sert, en parlant, de cette phrase si connue : Quand l’autre reviendra.

À l’intérieur, les intérêts révolutionnaires avoient d’abord succombé : l’alarme a été au camp ; l’impulsion royaliste donnée aux préfectures a fait peur : le parti a réuni ses forces. On a d’abord mis un obstacle aux nominations et aux destitutions trop franches, en faisant soumettre ces nominations et ces destitutions à l’examen du conseil des ministres : de sorte que le ministre de la justice peut faire des officiers généraux, et le ministre de la guerre des hommes de loi.

Si cette bizarre solidarité étoit également admise pour tous les ministres, il faudroit se contenter de rire ; mais elle ne s’applique qu’aux ministres soupçonnés de royalisme. Ceux qui sont connus pour soutenir franchement le système des intérêts révolutionnaires ont toute liberté de placer des hommes suspects et d’éloigner des hommes dévoués.

Ces arrangements n’ont pas rassuré le parti ; il est parvenu à faire renverser le ministre : alors les espérances se sont ranimées. On se flatte de faire perdre au royalisme tout le terrain qu’il avoit gagné dans cette partie de l’administration. La garde nationale a été attaquée. Déjà des préfets trop royalistes ont été rappelés ; d’autres sont menacés. On aura soin surtout de déplacer les amis du trône, si on est assez heureux pour obtenir la dissolution de la chambre des députés, et qu’il faille en venir à des élections nouvelles : alors il sera plus facile au parti de diriger et d’influencer les choix.

CHAPITRE XL.
LA GUERRE.

C’est avec difficulté que d’autres ministres, connus par leur royalisme, se maintiennent dans leur place ; mais on en veut surtout au ministre de la guerre : on ne lui pardonne pas son noble dévouement ; on lui pardonne encore moins d’avoir formé une gendarmerie excellente et une armée qui brûle du désir de verser son sang pour son