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aussi embarrassantes cette liberté fourniroit une réponse, sinon satisfaisante, du moins sans réplique.

Apprenons à distinguer les vrais des faux royalistes : les premiers sont ceux qui ne séparent jamais le roi de la famille royale, qui les confondent dans un même dévouement et dans un même amour, qui obéissent avec joie au sceptre de l’un, et ne craignent point l’influence de l’autre ; les seconds sont ceux qui, feignant d’idolâtrer le monarque, déclament contre les princes de son sang, cherchent à planter le lis dans un désert, et voudroient arracher tous les rejetons qui accompagnent sa noble tige.

On peut dans les temps ordinaires, quand tout est tranquille, quand aucune révolution n’a ébranlé l’autorité de la couronne, on peut se former des maximes sur la part que les princes doivent prendre au gouvernement ; mais quiconque après nos malheurs, après tant d’années d’usurpation, ne sent pas la nécessité de multiplier les liens entre les François et la famille royale, d’attacher les peuples et les intérêts aux descendants de saint Louis ; quiconque a l’air de craindre pour le trône les héritiers du trône plus qu’il no craint les ennemis de ce trône est un homme qui marche à la folie ou court à la trahison.

CHAPITRE XXXVIII.
LA CONSPIRATION SE SERT DES INTÉRÊTS RÉVOLUTIONNAIRES POUR METTRE SES AGENTS DANS TOUTES LES PLACES.

Attaquer par toutes sortes de moyens la famille royale ; avoir toujours en perspective un malheur que tout bon François voudroit racheter de sa vie, et qu’il se flatte de ne jamais voir ; espérer, comme suite de ce malheur, l’exil éternel des princes, s’endormir et se réveiller sur ces effroyables espérances, voilà ce que la secte ennemie recommande d’abord à ses initiés.

Ensuite elle fait les derniers efforts pour soutenir, étendre et propager le système des intérêts révolutionnaires : elle le présente aux timides comme un port de salut, aux sots comme une idée de génie, aux dupes comme un moyen d’affermir la royauté.

Par l’établissement complet de ce système, les révolutionnaires espèrent que toutes les places se trouveront dans leurs mains au moment de la catastrophe. Les autorités diverses étant alors dans le même intérêt, le changement s’opérera, comme au 20 mars, d’un