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que personne ne peut méconnoître. Le roi, qu’on a tant outragé pendant les Cent Jours, est devenu le très-juste objet des louanges de ceux qui l’ont indignement trahi, qui sont prêts à le trahir encore.

Mais ces démonstrations d’admiration et d’amour ne sont que les excuses de l’attaque dirigée contre la famille royale. On affecte de craindre l’ambition des princes, qui dans tous les temps se sont montrés les plus fidèles et les plus soumis des sujets. On parle de l’impossibilité d’administrer, dans un gouvernement constitutionnel, avec divers centres de pouvoir. On a éloigné les princes du conseil ; on a été jusqu’à prétendre qu’il y avoit des inconvénients à laisser au frère du roi le commandement suprême des gardes nationales du royaume, et on a cherché à restreindre et à entraver son autorité. Mgr le duc d’Angoulême a été proposé pour protecteur de l’université, comme une espèce de prince de la jeunesse : c’est un moyen d’attacher les générations naissantes à une famille qu’elle connoît à peine ; les enfants sont susceptibles de dévouement et d’enthousiasme : rien ne seroit plus éminemment politique que de leur donner pour tuteur le prince qui doit devenir leur roi. Gela sera-t-il adopté ? Je ne l’espère pas.

La raison de cette conduite est facile à découvrir : la faction qui agit sur des ministres loyaux et fidèles, mais qui ne voient pas le précipice où on les pousse, cette faction veut changer la dynastie : elle s’oppose donc à tout ce qui pourroit lier la France à ses maîtres légitimes. Elle craint que la famille royale ne jette de trop profondes racines ; elle cherche à l’isoler, à la séparer de la couronne ; elle affecte de dire, elle ne cesse de répéter que les affaires pourront se soutenir en France pendant la vie du roi, mais qu’après lui nous aurons une révolution : elle habitue ainsi le peuple à regarder l’ordre des choses actuel comme transitoire. On renverse plus aisément ce que l’on croit ne pas devoir durer.

Si l’on cherche à ôter toute puissance aux héritiers de la couronne, on cherche, on essaye, mais bien vainement, de leur enlever le respect et la vénération des peuples : on calomnie leurs vertus ; les journaux étrangers sont chargés de cette partie de l’attaque par des correspondants officieux. Et dans nos propres journaux, n’a-t-on pas vu imprimées des choses aussi déplacées qu’étranges ? À qui en veut-on, lorsqu’on publie les intrigues de quelques subalternes ? Si elles ne compromettent que ces hommes, méritent-elles d’occuper l’Europe ? Si elles touchent par quelque point à des noms illustres, quel singulier intérêt met-on à les faire connoître ? Ceux qui ne veulent pas de la liberté de la presse conviendront du moins que dans des questions