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MÉLANGES
POLITIQUES

DE BUONAPARTE
ET DES BOURBONS.

30 MARS 1814.

Non, je ne croirai jamais que j’écris sur le tombeau de la France ; je ne puis me persuader qu’après le jour de la vengeance nous ne touchions pas au jour de la miséricorde. L’antique patrimoine des rois très-chrétiens ne peut être divisé : il ne périra point, ce royaume que Rome expirante enfanta au milieu de ses ruines, comme un dernier essai de sa grandeur. Ce ne sont point les hommes seuls qui ont conduit les événements dont nous sommes les témoins, la main de la Providence est visible dans tout ceci : Dieu lui-même marche à découvert à la tête des armées et s’assied au conseil des rois. Comment sans l’intervention divine expliquer et l’élévation prodigieuse et la chute, plus prodigieuse encore, de celui qui naguère foulait le monde à ses pieds ? Il n’y a pas quinze mois qu’il étoit à Moscou, et les Russes sont à Paris ; tout trembloit sous ses lois, depuis les colonnes d’Hercule jusqu’au Caucase ; et il est fugitif, errant, sans asile ; sa puissance s’est débordée comme le flux de la mer, et s’est retirée comme le reflux.

Comment expliquer les fautes de cet insensé ? Nous ne parlons pas encore de ses crimes.