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faire un budget. La formation d’un budget appartient essentiellement à la prérogative royale.

Si le budget que les ministres présentent à la chambre des députés n’est pas bon, elle le rejette.

S’il est bon seulement par parties, elle l’accepte par parties ; mais il faut qu’elle se garde de jamais remplacer elle-même les impôts non consentis par des impôts de sa façon, ni de substituer au système de finances ministériel sou propre système de finances ; voici pourquoi :

Elle se compromet. Le ministre restant est l’exécuteur de ce nouveau budget ; il a à venger son amour-propre, à justifier son œuvre. Dès lors, ennemi secret de la chambre, ce ne seroit que par une vertu extraordinaire qu’il pourroit mettre du zèle à seconder un plan qui a cessé d’être le sien : il est plus naturel de supposer qu’il l’entravera et le fera manquer dans les points les plus essentiels. Puis, à la prochaine session, il viendra, d’un air modestement triomphant, annoncer à la chambre qu’elle avoit fait un excellent budget, mais que malheureusement il n’a pas réussi.

Qu’est-ce que les députés répondront ? Notre budget, diront-ils, n’étoit peut-être pas excellent, mais il étoit meilleur que le vôtre. Soit, répliquera le ministre ; mais il y a un déficit : vous ne pouvez vous en prendre qu’à vous-mêmes, et n’avez rien à me reprocher.

Règle générale : le budget doit être fait par le ministère, et non par la chambre des députés, qui est le juge de ce budget. Or, si elle fait le budget, elle ne peut demander compte de son propre ouvrage, et le ministère cesse d’être responsable dans la partie la plus importante de l’administration : ainsi les éléments de la constitution sont déplacés.

Mais ces déviations de la ligne constitutionnelle, ces agitations, ces efforts, proviennent, comme tout le reste, dans la dernière session, de la lutte du ministère contre la majorité. Que le ministère consente à retourner aux principes, et le budget, convenu d’avance entre lui et la majorité, passera sans altercation : les choses reprendront leur cours naturel, et l’on sera étonné du silence avec lequel les affaires marcheront en France.

Soit dit ainsi de la prérogative royale, de la chambre des pairs, de la chambre des députés : parlons du ministère.