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« Cela est bon, cela est mauvais ; je veux ou ne veux pas. » Chacun conserve son rang : ce n’est plus un sujet obscur qui s’avise de contrôler une loi proposée au nom du souverain maître et seigneur.

L’initiative, loin d’être favorable au trône, est donc anti-monarchique, puisqu’elle déplace les pouvoirs : les Anglois l’ont très-raisonnablement attribuée aux chambres.

CHAPITRE XII.
QUESTION.

Dans le gouvernement représentatif, s’écrie-t-on, le roi n’est donc qu’une vaine idole ? On l’adore sur l’autel, mais il est sans action et sans pouvoir.

Voilà l’erreur. Le roi dans cette monarchie est plus absolu que ses ancêtres ne l’ont jamais été, plus puissant que le sultan à Constantinople, plus maître que Louis XIV à Versailles.

Il ne doit compte de sa volonté et de ses actions qu’à Dieu.

Il est le chef ou l’évêque extérieur de l’Église gallicane.

Il est le père de toutes les familles particulières, en les rattachant à lui par l’instruction publique.

Seul il rejette ou sanctionne la loi : toute loi émane donc de lui ; il est donc souverain législateur.

Il s’élève même au-dessus de la loi, car lui seul peut faire grâce et parler plus haut que la loi.

Seul il nomme et déplace les ministres à volonté, sans opposition, sans contrôle : toute l’administration découle donc de lui ; il en est donc le chef suprême.

L’armée ne marche que par ses ordres.

Seul il fait la paix et la guerre.

Ainsi, le premier dans l’ordre religieux, moral et politique, il tient dans sa main les mœurs, les lois, l’administration, l’armée, la paix et la guerre.

S’il retire cette main royale, tout s’arrête.

S’il l’étend, tout marche.

Il est si bien tout par lui-même, qu’ôtez le roi, il n’y a plus rien.

Que regrettez-vous donc pour la couronne ? Seroient-ce les millions d’entraves dont la royauté étoit jadis embarrassée, et le pouvoir qu’un ministre avoit de vous mettre à la Bastille ? Vous vous trompez encore quand vous supposez que la couronne pouvoit agir autrefois avec plus