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CHAPITRE X.
OÙ CE QUI PRÉCÈDE EST FORTIFIÉ.

Voilà les inconvénients de la proposition secrète de la loi par les chambres et de l’initiative par la couronne ; en voici les absurdités :

Si la proposition passe aux chambres, elle va à la couronne ; si la couronne l’adopte, elle revient aux chambres en forme de projet de loi.

Si les chambres jugent alors à propos de l’amender, elle retourne à la couronne, qui peut à son tour introduire de nouveaux changements, lesquels doivent encore être adoptés par les deux chambres pour être présentés ensuite à la sanction du roi, qui peut encore ajouter ou retrancher.

Il y a dans le Kiang-Nan, province la plus polie de la Chine, un usage : deux mandarins ont une affaire à traiter ensemble ; le mandarin qui a reçu le premier la visite de l’autre mandarin ne manque pas par politesse de l’accompagner jusque chez lui ; celui-ci à son tour, par politesse, se croit obligé de retourner à la maison de son hôte, lequel sait trop bien vivre pour laisser aller seul son honorable voisin, , lequel connoît trop bien ses devoirs pour ne pas reconduire encore un personnage si important, lequel… Quelquefois les deux mandarins meurent dans ce combat de bienséance, et l’affaire avec eux[1].

CHAPITRE XI.
CONTINUATION DU MÊME SUJET.

L’initiative et la sanction de la loi sont visiblement incompatibles ; car dans ce cas c’est la couronne qui approuve ou désapprouve son propre ouvrage. Outre l’absurdité du fait, la couronne est ainsi placée dans une position au-dessous de sa dignité : elle ne peut confirmer un projet de loi que les ministres ont déclaré être le fruit des méditations royales, avant que les pairs et les députés n’aient examiné et pour ainsi dire approuvé ce projet de loi. N’est-il pas plus noble et plus dans l’ordre que les chambres proposent la loi, et que le roi la juge ? Il se présente alors comme le grand et le premier législateur, pour dire :

  1. Lettres édif.