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DE LA
DERNIÈRE DÉCLARATION
DU CONGRÈS.


Gand, le 2 juin 1815.

La déclaration émanée du congrès de Vienne, en date du 12 mai 1815, fait autant d’honneur aux plénipotentiaires qui l’ont signée qu’aux souverains dont elle est pour ainsi dire la dernière profession de foi.

Rien de plus clair et de plus précis que la manière dont les trois questions sont posées et résolues dans le rapport de la commission, inséré au procès-verbal. En effet, le succès de l’invasion de Buonaparte est un fait et non un droit : le succès ne peut rien changer à l’esprit de la déclaration du 13 mars. Cette vérité, resserrée à dessein dans la solution de la première question, seroit susceptible de longs développements.

Soutenir, par exemple, que l’Europe, à qui l’on reconnoissoit le droit d’attaquer Buonaparte encore errant dans les montagnes du Dauphiné, n’auroit pas celui de s’armer contre Buonaparte redevenu le maître de la France, ne seroit-ce pas une véritable absurdité ?

La déclaration du 13 mars prévoyoit et supposoit évidemment le succès, autrement elle devenoit ridicule : on ne fait pas marcher un million de soldats pour combattre douze cents hommes. Buonaparte pouvoit-il entreprendre la conquête d’un grand royaume avec quelques satellites, sans y être appelé par une conspiration redoutable ? Le caractère connu de l’usurpateur devoit confirmer dans cette pensée les princes réunis à Vienne : cet homme n’est point un partisan qui sait faire la guerre à la tête d’une bande déterminée, sur les rochers et dans les bois ; il ne retrouve sa force et son audace qu’en remuant des masses et en employant des moyens immenses. Les souverains avoient donc jugé le péril avec sagesse. L’empereur de Russie apprit