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conseil que du moment, esclave de cette destinée à laquelle il sembloit commander jadis. La licence règne à Paris, l’anarchie dans les provinces : les autorités civiles et militaires se combattent. Ici on menace de brûler les châteaux et d’égorger les prêtres ; là on arbore le drapeau blanc et l’on crie vive le roi ! Cependant, au milieu de ces désordres, le temps marche et les événements se précipitent. L’Europe entière est arrivée sur les frontières de la France : chaque peuple a pris son poste dans cette armée des nations, et n’attend plus que le dernier signal. Que fera l’auteur de tant de calamités ? S’il quitte Paris, Paris demeurera-t-il tranquille ? S’il ne rejoint pas ses soldats, ses soldats combattront-ils sans lui ? Un succès peut-il changer sa fortune ? Non : un succès retarderoit à peine sa chute. Peut-il, d’ailleurs, l’espérer, ce succès ? L’arrêt est parti d’en haut, la victoire s’est déclarée, et Buonaparte est déjà vaincu dans Murat : un appel a été fait aux passions des peuples d’Italie, et ces peuples ont répondu par un cri de fidélité. Puissent les François imiter cet exemple ! Puissent-ils abandonner le fléau de la terre à la justice du ciel ! Ah, sire, espérons que, désarmé par les prières du fils de saint Louis, le Dieu des batailles épargnera le sang de notre malheureuse patrie ! Vous conserverez à la France, pour son bonheur, ce reste de sang qu’elle a trop prodigué pour sa gloire ! Le moment approche où Votre Majesté va recueillir le fruit de ses vertus et de ses sacrifices : à l’ombre du drapeau blanc les nations jouiront enfin de ce repos après lequel elles soupirent, et qu’elles ont acheté si cher.