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nombreux, s’ils sont contre l’Acte additionnel, aura-t-on égard à ces oppositions ? Qui vérifiera les signatures ? N’en introduira-t-on pas sur les rôles autant que bon semblera ? Qui osera réclamer ? Comment l’assemblée du champ de mai s’assure-t-elle de la fidélité des maires, des sous-préfets, chargés de recueillir les votes, surtout lorsque les commissaires extraordinaires auront renouvelé les administrations d’un bout de la France à l’autre ? Si quelque chose pouvoit ressembler à l’assentiment du peuple, ne seroit-ce pas celui des collèges électoraux au champ de mai ? Et pourquoi interdit-on tout examen aux électeurs ? Mais pourquoi me perdre moi-même dans cet examen inutile ? Je raisonne comme s’il étoit encore question de régularité, de pudeur, de bonne foi : et l’acceptation de l’Acte est préjugée par un décret, et sa promulgation ordonnée d’avance !

Dans l’Acte additionnel je n’aperçois rien sur l’abolition de la confiscation des biens : je vois que la propriété n’est plus une condition nécessaire pour être élu membre de la chambre des représentants ; que l’armée est appelée à donner son suffrage, que les anciennes constitutions, les sénatus-consultes ne sont point rapportés et deviennent comme des armes secrètes dans les arsenaux de la tyrannie.

Voilà Buonaparte tout entier : il se réserve la confiscation des biens, remet aux non-propriétaires la défense de la propriété, pose les principes du gouvernement militaire, et cache ses desseins dans les chaos de ses lois. Ceux qui chérissent sincèrement les idées libérales peuvent-ils supporter des choses aussi monstrueuses ? Tout cela n’est-il pas un mélange de dérision et d’impudence ? N’est-ce pas à la fois et dans le même moment reconnoître et violer un principe, admettre la souveraineté du peuple et s’en moquer ? N’est-ce pas toujours montrer la même astuce, la même mauvaise foi, la même domination de caractère ?


Oserai-je parler au roi du dernier article de l’Acte additionnel ? Par cet article, le peuple françois cède tous ses droits à l’usurpateur, excepté celui de rappeler les Bourbons : donc si Buonaparte vouloit ouvrir à Votre Majesté les chemins de la France, il ne le pourroit plus ; et si, d’un autre côté, le peuple vouloit vous rapporter votre couronne, cela lui seroit impossible, parce que Buonaparte, en vertu des institutions impériales, a seul le droit d’assembler le peuple. Si l’on avoit pu douter des sentiments de la France, ce dernier article les proclameroit : les mauvaises consciences se trahissent ; l’excès de la précaution annonce l’excès de la crainte ; interdire au peuple françois le droit de rappeler son roi, c’est prouver qu’il veut le rappeler.

Toutefois Buonaparte s’est embarrassé dans ses propres adresses :