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que lorsqu’ils triomphoient sur les champs de bataille. Une foule de généraux, de colonels, d’officiers et de soldats, déposent aussi des armes qu’ils ne peuvent plus porter pour leur roi. Les gardes nationales du royaume, celles de Paris à leur tête, expriment leur douleur par le silence de leurs rangs incomplets et déserts, et rappellent de tous leurs vœux le père qu’ils gardoient, le noble chef que vous leur aviez donné. Dans les emplois civils, dans la magistrature, Votre Majesté a pareillement trouvé une multitude de sujets fidèles : les uns ont quitté leurs places, les autres ont refusé d’humiliantes faveurs. Il s’est rencontré des hommes qui, se croyant négligés, auroient pu être tentés de suivre une autre fortune ; et pourtant ils n’ont point trahi le devoir : ainsi, dans ces jours d’épreuve, l’honneur, comme la honte, a eu ses triomphes et ses surprises.

Parmi vos ministres, sire, les uns ont été assez heureux pour s’attacher à vos pas, les autres pour souffrir sous la main de Buonaparte. Les chefs les plus habiles de leurs administrations ont imité leur exemple : plus leurs talents sont éminents, plus ils sont heureux de les consacrer à Votre Majesté et de les refuser à l’usurpateur.

Le clergé n’a point perdu l’habitude des persécutions : reprenant avec joie sa croix nouvelle, il refuse à l’impie cette touchante prière qui demande au ciel le salut du roi. Les deux chambres, qui conservoient avec Votre Majesté le dépôt sacré de la liberté publique, l’ont courageusement défendue. Rome, dans le siècle des Fabricius, eût nommé avec orgueil un citoyen tel que le président de la chambre des députés. Sa proclamation, sa protestation, au sujet des avis de M. le duc d’Otrante, resteront, sire, comme un monument de votre règne et des nobles sentiments que vous savez inspirer.

Ajoutons, sire, que votre famille vient d’attacher à votre couronne une nouvelle gloire. Si Monsieur, votre digne frère, si Mgr le duc de Berry, si Mgr le duc d’Orléans, placés dans des circonstances pénibles, n’ont pu rallier une foule désarmée, ils ont montré, au milieu des trahisons et des perfidies, l’élévation, le courage, la loyauté naturels au sang des Bourbons. Ne croit-on pas voir et entendre le Béarnois lorsque Mgr le duc de Berry, sortant des portes de Béthune, se précipitant au-devant d’une troupe de rebelles, les appelant à la fidélité ou au combat, les trouvant sourds à sa voix, répond à ceux qui l’invitoient à faire un exemple : « Comment voulez-vous frapper des gens qui ne se défendent pas ? »

L’entreprise héroïque de Mgr le duc d’Angoulême prendra son rang parmi les hauts faits d’armes de notre histoire. Sagesse et audace du plan, hardiesse d’exécution, tout s’y trouve. Le prince, jusque alors