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entre les raisons d’État, trop évidentes aujourd’hui, qui obligeoient le ministère de faire apposer promptement ce séquestre, on vient de voir que la famille de Buonaparte devoit plusieurs millions à la France : les billets de ces dettes se trouvoient à la caisse du domaine extraordinaire, et représentoient une valeur empruntée à ce domaine. La saisie des biens des débiteurs absents étoit une conséquence nécessaire des sommes qu’ils devoient à l’État.

Pour parler sans doute aux passions de la dernière classe du peuple, on a prétendu que les diamants de la couronne étoient une propriété de l’État.

Si quelque chose appartient aux Bourbons, héritiers des Capets et des Valois, ce sont des diamants achetés de leurs propres deniers, et par cette raison même appelés joyaux de la couronne. Le plus beau de ces joyaux, le Régent, offre dans son nom seul la preuve incontestable qu’il étoit une propriété particulière. Je ne parle pas, sire, du droit que vous avez, et que consacre la Charte, de prendre toute mesure nécessaire au salut de l’État dans les temps de crise : mettre à couvert les richesses qui peuvent tomber entre les mains de l’ennemi est pour le roi un de ses devoirs les plus impérieux. Loin donc de faire un crime aux ministres de Votre Majesté d’avoir soustrait à Buonaparte les propriétés de l’État, on pourroit plutôt leur reprocher de lui avoir laissé 30 millions en espèces, et 42 millions en effets. Dans une pareille circonstance, Buonaparte auroit-il manqué de vider le trésor public et mème de spolier la Banque ? Bien plus, son gouvernement n’essaya-t-il pas l’année dernière d’emporter aussi les diamants de la couronne ? Tous ces reproches sont donc un mélange de dérision et d’absurdité. Votre ministère, en laissant à Buonaparte 72 millions, pourroit être accusé d’un excès de bonne foi ; mais ce sont là de ces fautes que commet la probité et que la conscience absout.

On a voulu dire que le gouvernement royal, infidèle à la Charte et à ses promesses, avoit tourmenté les acquéreurs de domaines nationaux. Pour prendre connaissance de ces prétendus délits, une commission a été nommée par Buonaparte. Quel a été le résultat de ses recherches ?

Le gouvernement royal méconnoissoit, dit-on, la gloire de l’armée ! Qui a plus admiré nos guerriers que les Bourbons ? qui les a plus noblement récompensés ? Qu’il me soit permis de rappeler que dans un écrit publié sous les yeux de Votre Majesté, écrit qu’elle a daigné honorer de sa sanction royale, j’ai parlé des sentiments et des triomphes de notre armée avec une justice qui a paru exciter la reconnois-