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étrangères ? Il s’efforce, mais en vain, de rendre infidèles à leur patrie les régiments suisses ; il promet la demi-solde aux officiers belges qui ont cessé d’être sujets de la France ; il insulte le noble souverain qui, lui-même éprouvé par le malheur, a reçu si généreusement son illustre compagnon d’infortune. Buonaparte se flatte d’être aimé dans la Belgique ; il se trompe, il y est détesté. Ses conscriptions, ses gardes d’honneur, ses persécutions religieuses, l’ont rendu un objet d’horreur pour les habitants de ces belles provinces.

Sire, je sens trop combien tout ce que je viens de dire est déchirant pour votre cœur. Nous partageons dans ce moment votre royale tristesse. Il n’y a pas un de vos conseillers et de vos ministres qui ne donnât sa vie pour prévenir l’invasion de la France. Sire, vous êtes François, nous sommes François ! Sensibles à l’honneur de notre patrie, fiers de la gloire de nos armes, admirateurs du courage de nos soldats, nous voudrions, au milieu de leurs bataillons, verser jusqu’à la dernière goutte de notre sang pour les ramener à leur devoir, ou pour partager avec eux des triomphes légitimes. Nous ne voyons qu’avec la plus profonde douleur les maux prêts à fondre sur notre pays ; nous ne pouvons nous dissimuler que la France ne soit dans le plus imminent danger : Dieu ressaisit le fléau qu’avoient laissé tomber vos mains paternelles, et il est à craindre que la rigueur de sa justice ne passe la grandeur de votre miséricorde ! Ah ! sire, à la voix de Votre Majesté, les étrangers, respectant le descendant des rois, l’héritier de la bonne foi de saint Louis et de Louis XII, sortirent de la France ! Mais si les factieux qui oppriment vos sujets prolongeoient leur règne, si vos sujets, trop abattus, ne faisoient rien pour s’en délivrer, vous ne pourriez pas toujours suspendre les calamités qu’entraîne la présence des armées. Du moins votre royale sollicitude s’est déjà assurée par des traités qu’on respectera l’intégrité du territoire françois, qu’on ne fera la guerre qu’à un seul homme. Vous êtes encore accouru au secours de votre peuple, et vous avez transformé en amis généreux ceux qui auroient pu se montrer ennemis implacables.

§ III.
Reproches faits au gouvernement royal.

Tromper la France et l’Europe est donc le premier moyen employé par Buonaparte pour fonder sa nouvelle puissance ; le second est de calomnier le gouvernement royal. Parmi les reproches faits au minis-