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Paris, à prêter un serment, sous peine de prendre contre les contrevenants telle mesure qu’il appartiendra : mots vagues qui laissent le plus libre champ à l’arbitraire. Le tyran reprend ainsi une à une les victimes auxquelles il promettoit oubli et repos dans ses premières proclamations. On compte déjà de nombreux séquestres, des arrestations, des exils, des lois de bannissement ; treize victimes sont portées sur une liste de mort. Sire… vous-même vous êtes proscrit, vous et les descendants de Henri IV, et la fille de Louis XVI ! Vous ne pourriez dans ce moment sans courir le risque de la vie mettre le pied sur cette terre où vous fîtes tant de bien, où vous essuyâtes tant de larmes, où vous rendîtes tant d’enfants à leurs pères, où vous ne répandîtes pas une goutte de sang, où vous apportâtes la paix et la liberté ! Quand Votre Majesté, après vingt-trois ans de malheurs, remonta sur le trône de ses aïeux, elle trouva devant elle les juges de son frère. Et ces juges vivent ! et vous leur avez conservé avec la vie tous les droits du citoyen ! Et ce sont eux qui rendent aujourd’hui contre votre personne sacrée, contre votre auguste famille, contre vos serviteurs fidèles, des arrêts de mort et de proscription ! Et tous ces actes où la violence, l’injustice, l’hypocrisie, le disputent à l’ingratitude, sont rendus au nom de la liberté !

§ II.
Extérieur.

La politique extérieure de Buonaparte offre les mômes contradictions de conduite et de langage : tout étant faux dans sa puissance, tout étant en opposition avec son caractère, tout doit être faux dans ce qu’il dit et dans ce qu’il fait. Maintenant il veut tromper le monde entier, et il tombera dans ses propres pièges. Votre Majesté pénétrera, dans sa haute sagesse, les motifs qui le font agir, lorsque j’essayerai de développer l’esprit du gouvernement actuel de l’usurpateur et de montrer l’homme derrière le masque : à présent je ne m’occupe que des faits.

Le but de Buonaparte est d’endormir les puissances au dehors par des protestations de paix, comme il cherche à tromper les François au dedans par le mot de liberté. Cette paix est la guerre, cette liberté est l’esclavage. D’un côté il offre d’exécuter le traité de Paris, de l’autre il ne soutient l’esprit de son armée qu’en lui promettant la Belgique, les limites naturelles du Rhin, et cette belle Italie, objet de ses prédi-