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ce trône, passer à ses pieds nos générations, nos révolutions et nos mœurs ; elle a survécu aux coups que nos bras parricides lui ont quelquefois portés, et elle n’en recueille pas moins dans son sein ses enfants ingrats. Nous devons tout à cette famille sacrée, elle nous a faits ce que nous sommes ; elle existoit pour ainsi dire avant nous ; elle est presque plus françoise que la nation elle-même. Sous les deux premières races, tout étoit romain et tudesque, gouvernement, mœurs, coutumes et langage. La troisième race a affranchi les serfs, institué la représentation nationale par les trois ordres, les parlements ou cours de justice, composé le code de nos lois, établi nos armées régulières, fondé nos colonies, bâti nos forteresses, creusé nos canaux, agrandi et embelli nos cités, élevé nos monuments, et créé jusqu’à la langue qu’ont parlée Du Guesclin et Turenne, Ville-Hardouin et Bossuet, Alain Chartier et Racine. Louis XVIII nous rendra florissants et heureux avec deux chambres, de môme que ses pères nous ont rendus puissants avec les états généraux. Il trouvera lui-même sa grandeur dans nos nouvelles destinées. La monarchie renaît dans ses antiques racines, comme un lis qui a perdu sa tige pendant la saison des tempêtes, mais qui sort au printemps du sein de la terre : ex omnibus floribus orbis elegisti tibi lilium unum[1].

CHAPITRE XXIII.
CONCLUSION.

Toute l’Europe paroît disposée à adopter le système des monarchies modérées : la France, qui a donné cette impulsion générale, est maintenant forcée de la suivre. Rallions-nous donc autour de notre gouvernement. Que l’amour pour le roi et pour le pays natal, que l’attachement à la Charte, composent désormais notre esprit !

Grâce au roi, au roi seul, nous conservons tout entière la France de Louis XIV. Vauban en a posé les limites mieux qu’elles ne seroient marquées par les fleuves et les montagnes. L’étendue naturelle d’un empire n’est point fixée par des bornes géographiques, quoi qu’on en puisse dire, mais par la conformité des mœurs et des langages : la France finit là où on ne parle plus françois. Ces citoyens de Hambourg et de Rome, qui corrompoient notre langue dans le sénat, qui n’avoient et ne devoient avoir pour nous qu’une juste haine, auroient amené

  1. Esdr.